L’amour ne prévient pas. Il prend au dépourvu. Parfois au moment où on l’attend le moins, voire plus du tout. Tel est le sens d’un roman qui raconte une histoire « anormale » et incroyable. Elle surprend ceux qui y succombent. Comment pourraient-ils faire autrement ? Inutile de résister. Tout paraît une évidence existentielle. Et pourtant, elle déroge à toute règle voire même à la déontologie — au moins pour un des partenaires. Il s’agit en effet de l’amour entre un psy et sa « cliente ». Dès lors commence une double vie : l’une est conjugale, heureuse, reconnue, l’autre tout aussi pleine mais plus intime, secrète au moment où la patiente est entrée en thérapie suite à un choc émotionnel violent.
Avec pudeur, crudité et vérité l’auteure écrit une aventure affective mais aussi intellectuelle et physique qui dépasse le champ de la science psychanalytique pour ramener à une situation plus large. Celle que chacun peut un jour connaître avec un être qui le subjugue. Et réciproquement. On est loin alors du tout effet boulevardier. Il n’existe plus de dominant et de dominé. Chacun est épris. Epris et dépassé non parce que, avant, il y eut une absence d’amour, mais parce que soudain vient s’en greffer une autre qui complète et subsume la première.
Il s’agit parfois de faire avec. Trouver pour l’héroïne le moyen de préserver l’un tout en comblant l’autre de tout ce qu’elle lui donne et qu’elle reçoit en retour. L’histoire est à la fois simple et compliquée. Elle ne va pas sans larmes. Elles ne sont pas toutes du même tabac dans cet entre-deux où il faut parfois et symboliquement préparer pour l’un un repas qui prépare à l’amour avec l’autre. Le tout est de savoir passer entre ces larmes. Ce qui n’est pas sans problèmes tant l’émotion est grande.
La morale n’a plus rien à voir en une telle histoire. Celle-ci est au-delà. Et surtout elle est belle dans son anormalité, son décalage. Rien ne peut se dire ou s’expliquer au-delà du cercle des deux amants. L’une paraît si jeune et belle, l’autre touche à la vieillesse. D’où la fameuse question : que peuvent-ils faire ensemble ? Mais ce qui se passe entre eux dépasse les racontars que les gribiches et grincheux aiment à colporter.
L’histoire est forte. Elle dit le désir, le plaisir, l’entente presque absolue. Il suffit qu’une jupe indique une certaine ouverture pour qu’émotions et pensées — en s’y engouffrant — dépassent les plaisirs sensuels. Y succomber est parfait mais pour le monde parfaitement incongru. Qu’importe si chacun, à la fois lucide et envahi, respectueux des autres — en dépit des apparences, des règles, des jalousies — ose (enfin ?) vivre sa vie. L’orgasme ne dure plus qu’un instant : il engloutit. Que faire alors sinon poursuivre dans l’évidence d’exister? Certes, il s’agit de jouer du temps, de la patience et souvent de l’absence. A ce point, tromper n’est pas le mot qui convient. Passer à travers les « conventions » permet d’atteindre la solarité. L’auteure nous rappelle qu’il ne faut pas la rater. C’est socialement incorrect. Mais seuls celles et ceux qui sont passés par là savent ce que c’est que d’aimer.
jean-paul gavard-perret
Dominique Dyens, Cet autre amour, Robert Laffont, Paris, 2017, 234 p. — 18,00 €.
Oui.
Superbe article !
Comment rester insensible à une histoire si belle !
Comme le dit si bien JPGP , seuls celles et ceux qui sont passé par là savent ce que cest que d’aimer.
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