Patrick Pécherot excelle à mettre en scène des personnages historiques, des milieux anarchiques, à faire revivre une époque, en faire ressentir l’atmosphère dans des romans noirs, très noirs. C’est le Paris de l’Entre-deux-guerres, dans la trilogie La saga des brouillards où il invente la jeunesse de Nestor Burma, le célèbre héros de Léo Malet. L’homme à la carabine relate l’épopée de Jules Bonnot et ses complices. Il installe le cadre de son nouveau roman, Une plaie ouverte, sur une période qui s’étale de la chute de Napoléon III à 1905.
Aux USA, un homme est sur la piste d’un certain Dana, Valentin Charles Édouard Dana. Mais la piste est ténue. Le nom figure sur un livre de comptes du Wild West Show, le cirque géant de William Cody, dit Buffalo Bill. Ce Dana a-t-il été cet amour malheureux dont Martha Canary, connue comme Calamity Jane, ne s’est jamais consolé ? D’autres témoignages sont tout aussi vagues. Mais, au bout de la route, Matthew J. Velmont le limier de Pinkerton jette l’éponge.
En France, en 1870, la défaite de Sedan face aux Prussiens est sanglante. Les troupes sont décimées. Une partie des survivants se replie sur Paris, un Paris qui devient assiégé par les vainqueurs et d’où le gouvernement a fui honteusement à Versailles. Des idées d’une société idéale germent parallèlement à la famine qui s’installe. Des hommes et des femmes organisent La Commune.
Marceau fréquente les milieux artistiques de l’époque, Montmartre, les artistes, les littéraires. Il côtoie Courbet, Gill, Vallès, Verlaine, Vuillaume, Vermersch, Dana et la belle Marion, le modèle qui choisit ses peintres. Il est partie prenante dans la Commune et vit difficilement les massacres qui scellent cette tentative de régime social égalitaire. Alors que mort de peur il se cache dans des conditions misérables, il devient un héros par hasard. Il se lance, d’une façon obsessionnelle, à la recherche de Dana qui serait un membre du peloton d’exécution qui a œuvré rue Haxo pendant la semaine sanglante.
Avec des phrases courtes, un style crépitant, l’auteur dévoile peu à peu les faits, les événements, les motivations qui animent Marceau. Il raconte la guerre perdue avec une description sans fards, des actes bruts, les tueries, les massacres collectifs. Il donne les principaux acteurs de la Commune, raconte son émergence, sa courte existence et sa chute, les procès à la chaîne, les condamnations sans nombre, parodie de justice, avec pour seul but la vengeance d’une classe qui a eu très peur de perdre ses privilèges.
Il fait fréquenter nombre de personnages authentiques, les suivre quelques temps dans leur parcours plus ou moins chaotique. Il développe une enquête éclatée où l’impression, le doute et l’incertitude scandent un récit qui s’étend sur plusieurs décennies avec l’évolution de plus en plus difficile du principal protagoniste qui use et abuse du laudanum. L’auteur brouille les pistes, donne des indications de plus en plus floues comme le devient l’esprit de Marceau.
Avec Une plaie ouverte, Patrick Pécherot signe un roman noir servi par une verve populaire, par une atmosphère de mystère et une reconstitution historique remarquable.
serge perraud
Patrick Pécherot, Une plaie ouverte, folio policier n° 834, mai 2017, 320 p. – 7,20 €.