Meurtre des images dans un jardin suisse
Daniele Morresi fait de chaque poème un tableau. Rien pourtant de purement descriptif puisque soudain la réalité déborde comme insaisissable. Le langage ne cherche pas forcément à la canaliser mais à exprimer dans la simplicité tout ce qu’il charrie de visible et d’invisible car rien ne se limite à ce qui se laisse voir et appréhender.
Le monde n’est donc pas ce qu’il semble être. Il demeure habité de mystères : vient-il de lui-même ou de ce que l’auteur reporte sur lui eu égard à ses propres racines et à sa culture ? Tout un monde premier est sous-jaccent. Entre le vide et le plein et avec un regard bienveillant sur les êtres et les choses, Morresi crée ainsi un espace particulier autant flamand qu’italien.
Qu’il soit peint n’est pas anodin. Car cette prise implique déjà un décalage. Mais l’auteur ne s’arrête pas là : la nature induite par un tel lieu, l’auteur l’imagine loin du simple enchantement. S’inscrit dans ce nouveau réel une saisie critique dont le souffle est plurivoque.
Le substrat premier est donc transformé par ces décalages qui s’appuient sur le réel sans rien gommer de ce qui est — pour ce qu’on nommera pour faire simple le politiquement correct – tu. Dès lors, le lieu est parcouru de divers mouvements. Ils déplacent les lignes afin de les tordre en ondes et cycles. Le jardin offre en conséquence une communion inavouable qui ne se limite jamais au chant béat de la nature.
jean-paul gavard-perret
Daniele Morresi, In un giardino dipinto / En un jardin peint, Traduction française de Luc Hamzavi, Avant-propos de Laurent Cennamo, Samizdat éditions, dessins de Mario Cardinale, 2017, 104 p.