Gérard Pfister, Ce que dit le Centaure — Favola in musica

Le rêve de la pro­fé­ra­tion entre bri­sures, volutes et contre le silence

L’homme se défi­nit essen­tiel­le­ment par le vec­teur temps. C’est dire qu’il reste essen­tiel­le­ment « fini ». Pour s’en « tirer », l’écriture demeure le rem­part unique et lar­ge­ment illu­soire car « de brin­dilles ». C’est un songe qui à défaut de soi­gner per­met au désir de durer au sein d’une illu­sion de pho­nie. Le lan­gage se donne pour monde à tra­vers les ondes qu’il émet en sa valeur de chant, de sym­pho­nie construite. Et ce, lorsque qu’il atteint cer­tains bords et bri­sure où l’inconscient trouve le res­sort de se trans­for­mer en sons. Toute fable est donc voix et musique : « Favola in musica, sous-titre de l’Orfeo de Mon­te­verdi » rap­pelle Pfis­ter.
En émerge un Cen­taure par­ti­cu­lier : mi-corps, mi-parole qui tente de chan­ter pour effa­cer le temps. Les mots sont donc un théâtre comme Nova­rina l’avait déjà énoncé. Un théâtre d’ombres et de vivants, de tris­tesse et de gaieté. Il convient de faire avec : car jamais les mots n’ont force de monde, d’objets tan­gibles. Ils font ce qu’ils peuvent pour ani­mer du vivant, rameu­ter une puis­sance qui n’est que d’écho.

Pour Pfis­ter , il existe un lieu idéal à leur éclo­sion et excla­ma­tion. Là encore l’auteur rejoint Nova­rina. Les deux parient sur le théâtre. Rideau levé, tout paraît pos­sible. Mais par contu­mace. La grotte du monde devient glotte et qu’importe l’artifice. Dans la mesure où le par­leur comme le spec­ta­teur en a conscience, une « prise » peut avoir lieu face à l’irrémédiable, face au moindre que — disait Beckett — les mots rendent « inan­nu­lables ».
Les mots jouent alors notre his­toire plus qu’ils se jouent d’elle. Dans leur pro­pen­sion com­pen­sa­toire existe une révé­la­tion qui est accep­tée pour ce qu’elle est. Le temps, le songe, le chant sont donc les ingré­dients majeurs qui per­mettent au dis­cours comme au temps de se poursuivre.

Un dis­cours à « entendre » entre abîme et pro­vi­soire insur­rec­tion. Un dis­cours qui échappe au logos dans une connexion indi­recte au monde mais dont l’arrivée nous sauve. Pen­dant un temps. Si bien que l’être ne peut que don­ner tous ses royaumes pour demeu­rer le Cen­taure de Pfis­ter. Sa voix résonne contre le chaos par l’incarnation d’un songe qui, au lieu d’être creux, s’élève dans le rêve de la pro­fé­ra­tion entre bri­sures, volutes et contre le silence.

jean-paul gavard-perret

Gérard Pfis­ter,  Ce que dit le Cen­taure – Favola in musica, Edi­tions Arfuyen, 2017, 198 p.

Leave a Comment

Filed under Poésie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>