Françoise Galeron crée des narrations mystérieuses et troublantes. Tout paraît clair mais néanmoins se produit — à la vue de telles images — une perte de conscience soulignée par un texte de Christian Pic : “Ici/ Dans la nuit / Le froid est peau de chagrin ». Le poème et les images laissent « le silence nous mordre à pleines dents ». Sous chaque image et sous les choses manifestes jaillit de manière insidieuse, comme l’écrit la photographes, des « choses invisibles, secrètes » dans des temps qui semblent se mêler : est-on encore dans le présent, encore dans le passé ou déjà dans le futur ? Le corps est à l’image mais c’est bien de l’âme dont il est question et de ses « traces, empreintes, signes, causes. » précise-t-elle.
Si bien que dans une telle série l’intrigue ne compte pas ou peu. L’atmosphère est lynchéenne — agressivité et kitch en moins. Si bien que l’on bascule dans une atmosphère à la Antonioni version postmoderne. Néanmoins, au-delà de possibles références, la façon dont la photographe saisit le monde lui appartient en propre. L’œuvre est donc bien une trace, une traversée, un passage. La notion de « ressemblance » y devient tout autre de ce qu’elle est habituellement dans la photographie comme au cinéma.
Tout prête à remodeler le monde en des formes différentes selon des extensions improbables. Si bien que la pulsion scopique du regardeur change de valeur. Françoise Galeron questionne non seulement la représentation du corps mais ce qu’il induit. Le monde prend une autre coloration à tous les sens du terme. Sans nostalgie, le créatrice reconduit à la frontière de l’identification et d’un territoire non encore révolu — à moins qu’il ne soit pas encore arrivé, là où plaisir et effroi se conjuguent.
jean-paul gavard-perret
Françoise Galeron, Léthé, L’atelier de photographie — Arles Gallery, du 3 juillet au 24 septembre 2017.