Franck Venaille, Requiem de guerre

Une sorte de dino­saure des temps postmodernes

Franck Venaille sait faire court. Il ne se gas­pille pas en labeurs super­fé­ta­toires qui conduisent les « spi­ri­tua­listes » à un but illu­soire. Il frappe dans sa propre chair : « Ce soir je com­prends que ma vie est faite de mani­fes­ta­tions popu­laires, d’affrontements de coins de rues. De ce sen­ti­ment de soli­tude qui m’a pris par la main, enfant. De dis­putes avec mon père vivant et mort. Mort. Sur­tout. »  Ce qui entraîne à force chez lui (mais pas chez le lec­teur) une cer­taine las­si­tude, voire une forme d’épuisement.
Mais pas de nos­tal­gie. Le poète pré­fère l’instant pré­sent avec ses rires et ses bosses. Le des­tin ? il l’ignore. Il a mieux à faire : trans­for­mer l’écriture en une sorte de sou­li­gne­ment moins de l’abandon que de la luci­dité. Si bien que Venaille ne ven­tri­loque pas. Son « athéo­lo­gie » tient la route avec malice et sim­pli­cité. La pro­pen­sion à la moque­rie est tou­jours là.

L’auteur est plus un tur­bu­lent de la lit­té­ra­ture que l’un de ses pater aus­tères. Ce qui ne l’empêche pas d’être sérieux mais de manière plus joyeuse et giboyeuse. L’enfance ? Il a (presque) mis le tapis des­sus : : « Cet enfant que j’ai tué en moi vous l’avez main­te­nant devant vous. Je me suis tué sans haine et sans espoir de repen­tance. C’était un meurtre néces­saire. Une pul­sion de mort à mener à son terme. ». Et l’auteur s’en tient là. Pas ques­tion chez lui de la moindre pagno­lade ou pigno­lape. Certes, l’enfance est sans doute en sous-main, dans le zig et le zag. Mais l’auteur en cultive la gri­mace car elle évite les som­mets comme les déclins. Nul dieu ne lui est néces­saire et pour gar­der la frite, pas ques­tion de retrou­ver l’huile dont elle est sortie.

Le plai­sir du texte tient à sa déses­pé­rance, à ses rup­tures qui refusent les abou­tis­se­ments sinon celle qui sera inévi­table et effa­cera les inten­si­tés comme les malaises exis­ten­tiels. Plus insom­niaque que rêveur, l’auteur sait ce qui l’attend. Mais il tord le bras du tra­gique pour en faire gicler une cocas­se­rie au milieu des rebuts por­tés par le cou­rant de l’existence.
L’auteur prouve qu’en « homme quel­conque » il n’est pas per­sonne. Pour preuve : il fait confiance à la poé­sie. Ce qui est suf­fi­sam­ment rare pour être sou­li­gné. L’auteur est donc une sorte de dino­saure des temps post­mo­dernes, capable de limi­ter son récit à une sorte de hauts et de « bah » qui blessent moins qu’ils ne font rire.

jean-paul gavard-perret

Franck Venaille, Requiem de guerre, Édi­tions Mer­cure de France , 2017, 110 p. –11,00 €.

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