Meurtre à Orkay Corral ou les frissons suspendus
Ce qui est bien chez Cauda, c’est qu’il ne s’économise jamais. Et même lorsque dans des histoires où les os sont transformés en gélatine ou lorsque les sexes, mouillent c’est moins d’humeur voluptueuse que de sang. Côté meurtre, l’auteur met le paquet de barbaque, elle est en ébullition bien plus que la marée – soit-elle chaussée ou de la Manche.
L’auteur s’amuse à en remettre des couches. C’est communicatif. Car là où l’horrible pourrait tenir du Grand-Guignol Cauda a l’art de retenir ses coups de sang. Par exemple, avec le choix d’un style indirect libre plein d’astuces. Trouville devient celui des ronds moins dans l’eau que dans la barbaque — ce qui n’empêche pas les chabadabada que les Marguerites durassent ou non.
Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait la Suissesse,comme dirait un pâtre vaudois. Avec Cauda, la mort comme la vie n’est jamais neutre : elle n’est jamais en berne et porte juste une robe et un string comme il se doit dans les romans que l’auteur parodie. Chaque femme, déesse, marraine, marâtre où non se fait label XXL devant un mec qui réunit les qualités physiques de Dean Martin, John Wayne et Lester Young. On aurait plutôt penché vers Sydney Bechet pour la clarinette baveuse ?
Mais il est vrai qu’au sperme et la fornication fait place entre « littorines sphériques, troques mauves et gibbulines cendrées » la saveur âcre des mots globines entre héros aux prénoms de Jazzmen et flic à nom de cheval. Quant aux trois lettres « ORK », elles tiennent d’une nouvelle version d’ « Omar m’a tué ». Mais la problématique imaginaire s’en trouve décalée là où un mage vaut mille maux et où Cauda s’en donne a cœur joie côté des gradés de couleurs.
Si bien que le lecteur ne reste jamais en rade sur la jetée. Elle fouette le roman que l’auteur fait repasser à coup de fers où bon lui semble. C’est un régal sous cellophane apparemment adamique. Mais qu’on y prenne garde, le romancier émérite fait assaut de références savantes littéraires et picturales comme de pénétrations dans des blockhaus des sexes ouverts à la métamorphose proches de la culbute autant scatologique que libidinale.
L’ensemble reste toujours en dehors des clous de girofles ou de la crucifixion. Et ce, jusqu’au doute final là où « au bout du roseau l’éponge gonflée de vinaigre / A disparu avec la soif » . Mais la faim reste sans fin dans une traversée de l’histoire policière comme de l’Histoire Sainte. Que Cauda — homme avec queue et tête — en soit une nouvelle fois béni. Oui, oui.
jean-paul gavard-perret
Jacques Cauda, Ork, La P’tite Hélène éditions, Apt, 2017, 128 p. — 13,00 €.