Jacques Cauda, Ork

Meurtre à Orkay Cor­ral ou les fris­sons suspendus

Ce qui est bien chez Cauda, c’est qu’il ne s’économise jamais. Et même lorsque dans des his­toires où les os sont trans­for­més en géla­tine ou lorsque les sexes, mouillent c’est moins d’humeur volup­tueuse que de sang. Côté meurtre, l’auteur met le paquet de bar­baque, elle est en ébul­li­tion bien plus que la marée – soit-elle chaus­sée ou de la Manche.
L’auteur s’amuse à en remettre des couches. C’est com­mu­ni­ca­tif. Car là où l’horrible pour­rait tenir du Grand-Guignol Cauda a l’art de rete­nir ses coups de sang. Par exemple, avec le choix d’un style indi­rect libre plein d’astuces. Trou­ville devient celui des ronds moins dans l’eau que dans la bar­baque — ce qui n’empêche pas les cha­ba­da­bada que les Mar­gue­rites durassent ou non.

Qu’importe le fla­con pourvu qu’on ait la Suissesse,comme dirait un pâtre vau­dois. Avec Cauda, la mort comme la vie n’est jamais neutre : elle n’est jamais en berne et porte juste une robe et un string comme il se doit dans les romans que l’auteur paro­die. Chaque femme, déesse, mar­raine, marâtre où non se fait label XXL devant un mec qui réunit les qua­li­tés phy­siques de Dean Mar­tin, John Wayne et Les­ter Young. On aurait plu­tôt pen­ché vers Syd­ney Bechet pour la cla­ri­nette baveuse ?
Mais il est vrai qu’au sperme et la for­ni­ca­tion fait place entre « lit­to­rines sphé­riques, troques mauves et gib­bu­lines cen­drées » la saveur âcre des mots glo­bines entre héros aux pré­noms de Jazz­men et flic à nom de che­val. Quant aux trois lettres « ORK », elles tiennent d’une nou­velle ver­sion d’ « Omar m’a tué ». Mais la pro­blé­ma­tique ima­gi­naire s’en trouve déca­lée là où un mage vaut mille maux et où Cauda s’en donne a cœur joie côté des gra­dés de couleurs.

Si bien que le lec­teur ne reste jamais en rade sur la jetée. Elle fouette le roman que l’auteur fait repas­ser à coup de fers où bon lui semble. C’est un régal sous cel­lo­phane appa­rem­ment ada­mique. Mais qu’on y prenne garde, le roman­cier émé­rite fait assaut de réfé­rences savantes lit­té­raires et pic­tu­rales comme de péné­tra­tions dans des block­haus des sexes ouverts à la méta­mor­phose proches de la culbute autant sca­to­lo­gique que libi­di­nale.
L’ensemble reste tou­jours en dehors des clous de girofles ou de la cru­ci­fixion. Et ce, jusqu’au doute final là où « au bout du roseau l’éponge gon­flée de vinaigre / A dis­paru avec la soif » . Mais la faim reste sans fin dans une tra­ver­sée de l’histoire poli­cière comme de l’Histoire Sainte. Que Cauda — homme avec queue et tête — en soit une nou­velle fois béni. Oui, oui.

jean-paul gavard-perret

Jacques Cauda,  Ork, La P’tite Hélène édi­tions, Apt, 2017, 128 p. — 13,00 €.

Leave a Comment

Filed under Poésie, Romans

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>