Une amitié. Un jour. Vingt ans.
Tout commence le 15 juillet 1988, à Edimbourg. Tout juste diplômés, Emma et Dexter passent une nuit ensemble. Tout les oppose a priori : Dexter Mayhew est sûr de lui et de son charme, issu d’une famille aisée et certain de sa réussite ; Emma Morley est jolie et brillante, mais bourrée de complexes et pleine de principes. Un point commun, cependant, ils ont vingt ans et s’imaginent mal comment ils pourront en avoir quarante un jour.
Alors que Dexter le frivole explore toutes les limites et devient star de la télévision, Emma souffre de petits boulots en appartements minables, qui ne lui laissent plus suffisamment de temps et d’énergie pour ce qui lui tient vraiment à cœur, écrire. Les deux jeunes gens prennent donc des chemins diamétralement opposés qui vont les éloigner physiquement, sans jamais les séparer. “Em et Dex” se fixent une règle d’or : ne jamais recoucher ensemble, pour ne pas briser leur belle amitié.
Dans Un Jour, David Nicholls choisit de raconter cette relation à travers le prisme d’une seule journée, sur vingt ans. Certaines fois on les retrouve ensemble, d’autre non.
Vingt épisodes, donc, qui permettent à ce jeune auteur — il a 44 ans et si ses scénarios, notamment pour la BBC, font de lui un auteur reconnu en Grande-Bretagne — de passer de la comédie romantique pure à la tragédie, du roman épistolaire à la réflexion sur le passage à l’âge adulte. Alternant récit au passé et au présent, usant de flashbacks éclairants sur la psychologie des personnages, il évite habilement les écueils du genre grâce à une bonne dose d’humour et d’autodérision, voire d’un cynisme jouissif.
Après le succès outre-Manche et outre-Atlantique de ses deux premiers opus (seul Un Jour est pour l’instant traduit en français), David Nicholls explore toujours les relations humaines, mais on peine cette fois à ranger son roman dans un carcan. On a plutôt l’impression agréable, à mesure que l’on dévore l’histoire, de feuilleter l’album personnel de quelqu’un que l’on apprend à découvrir, que l’on voir changer, mais dont on sait qu’il est toujours la même personne.
Que le lecteur ne s’y trompe pas, le but de l’auteur n’est pas de proposer une photographie de la société en 1988, 1989… avec quelques-uns des événements marquants de chaque année de ces deux décennies en fond d’écran — il n’est guère fait mention en la matière que des attentats du métro de Londres en 2005. non, c’est plutôt un livre qui, et c’est sans doute encore plus touchant si on a eu le même âge que les personnages au même moment, vous fait sentir ce que c’était que d’avoir vingt ans dans les années 90, et trente dans les années 2000. c’est aussi donc, par voie de conséquence, un livre au long duquel on voit mûrir, grandir des personnages.
On se surprend à aimer partager leurs frasques juvéniles comme leurs constats désabusés, et leur besoin, malgré tout et par-dessus tout, de continuer de vivre en essayant d’être heureux.
Les personnages sont attachants malgré leurs défauts — Emma une fâcheuse tendance à s’ériger en donneuse de leçons et Dexter la suffisance — mais l’on ne parvient pas à les détester, et David Nicholls est assurément un auteur qui comptera dorénavant. Salué par une critique enthousiaste, Un Jour a déjà de nombreux lecteurs dans les 25 pays où il est traduit. Et on murmure qu’il serait en passe de devenir un film, avec Anne Hathaway et Jim Sturgess.
agathe de lasytns
David Nicholls, Un Jour, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Karine Reignier, Belfond, février 2011, 536 p.- 22,00 € |
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