Il serait peut être possible de définir l’auteur par ce qu’il fait dire à un quidam s’adressant à Nerval : « Vous lisez trop, vous écrivez trop ». Mais chez Poindron le trop n’est pas l’ennemi du bien. Au contraire. Pour preuve, l’auteur nous vampirise dans son « bal des fantômes ». Il y à là son « brave confrère » déjà cité Nerval, qui finit son voyage autour de sa corde de chanvre, mais bien d’autres encore. Paul Fort comme un Turc, Brautigan autre magnifique, Sam Francis : non le peintre mais l’inventeur du clavier qui asservit l’écrivain à l’AZERTY.
Jaillissent aussi par sauts et gambades les saisons et les jours, les rues de Paris, de Laon la fausse endormie, Gilles Lapouge « l’érudit jubilatoire » et flâneur des deux rives. Existent aussi des territoires plus lointains : l’île de Symi, mi-rocailleusee et mirobolante, des textes retrouvés dont un de Marco Beasley, le beau ténor « qui chante avec les fées » diverses, l’Islande, Yves Simon et bien d’autres encore. Morts ou vivants, les fantômes sont bien de notre monde.
Que l’auteur se rassure, sa prétérition première est inutile : son livre est loin de nous tomber des mains ou de nous casser les pieds. C’est un bain de jouvence où mêmes les abbés sourient. Il y a tout ce qui faut pour habiter provisoirement le monde : des fleuves d’amour, des filles en fleurs sortant de l’ombre, des nonnes qui lisant à cachette ont le clitoris tubéreux, des gens de Dublin plus Huston que joycien. Bref, tout ce qui peut donner à croire qu’on ne vit pas pour rien et que l’existence relative reste newtonienne.
Comme une femme dont ses dessous l’inquiètent, elle a le poids des jours mais sait rester légère. Poindron a la délicate politesse de nous le rappeler. A conseiller à tous : surtout aux dépressifs. Ils y trouveront là un bien meilleur remède que la Paroxétine.
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jean-paul gavard-perret
Eric Poindron, Le bal de fantômes, Le Castor Astral, coll. « Curiosa & caetera », 2017, 256 p. — 17,00 €.
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