Les œuvres de Juliette Lemontey (photo par Fanny Begoin) aux tracés diaphanes, aux hymens de velours laissent suggérer des rotondités en vadrouille, font glisser vers les pièges de femmes fantômes mais dont l’image frissonne. Larguant les amarres du portrait, l’artiste en révise les poncifs. Elle y crée un nouveau possible qui ignore le psychologisme figuratif. Y existe quelque chose de sauvage, d’instinctif mais l’émotion est modulée par l’intelligence. Chaque œuvre devient une machine à « re-voir » par déphasage physique et métaphysique. Surgit un écart dans le monde des perceptions là où Juliette Lemontey invente des intuitions capables de déplacer le regard entre profondeur et apesanteur. Quand le visage s’efface, il apparaît de manière plus profonde. Le « présentiel » (Deleuze) devient une présence remisée là où ce qui disparaît rapproche.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Cela dépend des jours.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Enfant, j’étais rêveuse.
A quoi avez-vous renoncé ?
A la sérénité.
D’où venez-vous ?
D’une autre époque.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Je préfère me défaire de certaines choses pour laisser la place à de nouvelles.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Mon quotidien me fait plaisir.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Le fait que je ne sois pas eux.
Comment définiriez-vous votre approche du portrait ?
Avec beaucoup de retenue, à la juste distance.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Une photographie ancienne d’une femme de dos, qui était accrochée dans la salle de bain de mes grands-parents.
Et votre première lecture ?
Certainement un livre pour enfant.
Quelles musiques écoutez-vous ?
En travaillant, un flux continu de musique sur une station de radio pour laisser la place au hasard des découvertes.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Aucun, trop de livres encore non lus à lire ou alors beaucoup, si j’avais la possibilité de n’en avoir gardé aucun souvenir.
Quel film vous fait pleurer ?
Aucun à ma connaissance.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je me demande encore.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’ai osé mais je n’ai pas eu de retour.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Le Japon, jamais visité.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Des artistes et des écrivains très loin de moi.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
De l’espace.
Que défendez-vous ?
Une certaine idée de la vie.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Lacan aimait à se faire des noeuds au cerveau.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
W. Allen aime aussi à s’en faire.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
A vous de me le dire.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 12 juillet 2017.