Hiatus pour « je » en disparition
Dans le jeu des pronoms qui ouvrent un labyrinthe entre la vie et la mort, soi et les autres, courts vers et paragraphes plus longs, Françoise Ascal crée une « adresse » particulière. Elle glisse dans le temps du crépuscule à un obscur mouvant aux mouvements sourds. Le « qui parle ? » demeure la question majeure. Elle part d’un « ça » liminaire à la Beckett qui de fait l’ouvre.
A savoir et pour revenir à l’auteur de Godot, un « Je qui ça ? » qui se double d’un « ça quel je ? » là où, de l’abîme, les mots, avant de disparaître, tentent de se ressaisir en un rictus, versifiés ou récits rapides où, et par exemple, des vaches débaroulent dans le « sang violet des myrtilles ».
Reste à la poétesse de ratisser ce qui peut l’être à un moment de la vie — et par ce qu’elle avance ou recule — le flux des mots se tarit. Ce qui n’empêche pas certains espoirs au sein des abandons et des ruines où résiste en fin de parcours la confidence de ce qui tient d’un soupir d’amour.
Si bien que la langue, quoique évanescente, garde un sexe et un utérus. Au-delà des abandons demeure le titillement de sensations orgasmiques. Nul ne peut les préciser mais demeure une excitation vitale dans la retenue et dégagée des démons de la frivolité.
jean-paul gavard-perret
Françoise Ascal, Des voix dans l’obscur, dessins de Gérard Titus-Carmel, Editions Æncrages& Co, 2017, 44 p. - 21,00 €.