Liaisons (dangereuses ?)
Les jeux visuels d’Anne-Sophie Maignant répondent à ce que Valère Novarina appelle « une longue pratique d’imbécillité ». Seul en effet cet exercice permet à l’image d’évacuer le bon sens pour celui d’un apparent non-sens mais qui n’a rien d’absurde. Le cœur en sarabandes, la créatrice met parfois son mouchoir dessus. Ainsi cachée, elle s’y condense. La peau est son âme, son âme sa peau. Elle passe de l’une à l’autre pour faire advenir l’espace du monde.
Certes, maison et ciel ne se laissent pas traverser facilement mais Anne-Sophie Maignant les fait sortir de leur trou dans ses tea for two et ses two for tango. Elle balaye au besoin la poussière de ses douleurs, pour, suprême politesse, offrir un seuil d’extase nue.
En intégrale immersion avec un monde qu’elle reprise, l’artiste fait abstraction de la lascivité des cœurs, des obscénités des âmes et des sagesses des corps. Jaillissent des voluptés vierges, des aubades presque innocentes là où le simple « è » devient mystérieux. C’est celui de « l’effacement du corps dans le blanc de la surexposition de l’image » mais aussi celui « de l’esquisse ou de l’étude pour des images à venir, aux dimensions et contrastes plus affirmés » dans un sens essentiel pour la créatrice.
Pour elle, tout est question non d’ajouts mais de retraits afin de trouver dans les forêts des signes une prise de distance et un sens dans l’insaisissable du mouvement, du changement que trop de peintres et photographes ignorent ou biffent.
D’où chez une telle Mélusine la faculté d’un regard en abyme : comme celui que posent des vieillards lubriques sur le corps nu de sa « Suzanne sortant du bain » ou celui des vrais peintres sur la peinture. L’artiste rappelle que la peinture comme la photographie est une histoire de regard mais aussi de fiction ou d’illusion. La plus déraisonnable possible.
Mais quoique témoin inassermentable, ce statut n’enlève rien à sa vérité puisque l’art déplie le temps entre angoisse et vertige.
jean-paul gavard-perret
Anne-Sophie Maignant, è , série de 15 photographies sur papier baryté, 2015.
Merci Jean-Paul Gavard-Perret, pour ce nouveau papier que je découvre aujourd’hui mais 2 inexactitudes s’y sont glissées:
– l’image d’en-tête n’appartient pas à la série des è elle est très ancienne et date d’avant 1990
–la série des è elle-même date d’avant 2000