Le retour de la famille Neshov
Il y a quelques années le public français découvrait avec bonheur une auteure norvégienne, Anne B. Ragde avec une saga familiale en trois tomes : La terre des mensonges, La ferme des Neshov et L’héritage impossible. Outre le fait de nous plonger en plein cœur de la Norvège rurale, elle nous fait partager le quotidien simple, mais aussi surprenant et mouvementé d’une famille atypique. Une belle qualité d’écriture et un sens de l’humour un peu décalé ont rajouté au succès de cette fresque nordique dont voilà la suite.
La ferme des Neshov a été laissée à l’abandon, suite aux différents drames qui y ont pris place. Torunn en est l’héritière mais elle est revenue à Oslo, où elle partage sa vie avec Christer, qui entraîne des chiens de traîneau pour une des plus grandes courses nordiques. A quarante ans passés, elle a abandonné ses illusions quant à l’amour parfait de même que son travail. Elle pense souvent à la famille qu’elle s’est découverte quelques années auparavant et se décide enfin à renouer le contact.
Margido, son oncle, voue sa vie à son entreprise de pompes funèbres, mais n’y trouve plus autant de satisfaction qu’avant. Il doit faire face à la concurrence de nouvelles sociétés plus au fait des nouvelles technologies que lui, et n’a personne dans sa vie. A Copenhague, son frère homosexuel Erlend s’épanouit dans sa relation avec Krumme, surtout depuis qu’ils sont les parents de trois joyeux bambins. Pourtant, pas toujours facile pour eux de faire face au tourbillon des couches et bobos.
Seul le grand père Neshov, semble vraiment content de son sort, depuis qu’il est placé dans une maison de retraite très humaine et paisible.
Torunn prend finalement la décision de renouer avec ses racines et va recommencer sa vie dans cette ferme où le temps ne semble avoir aucune prise, y trouvera-t-elle l’épanouissement ?
Retrouver la famille Neshov est un régal livresque. Les personnages sont plus attachants que jamais, et leurs doutes existentiels sont universels. Quatre destins, quatre belles personnalités que l’on aime de plus en plus au fil des pages. Nul besoin de vivre au fin fond de la Norvège pour les comprendre. Anne B Ragde réussit à nous faire découvrir des éléments de sa culture avec finesse, une culture norvégienne que l’on ne connaît pas assez. Loin des contes d’Andersen, elle plante le décor d’une Norvège partagée entre une ruralité qui se meurt et une civilisation de plus en plus citadine, absorbée par les nouvelles technologies.
L’auteure critique en effet plusieurs fois le manque réel de communication de notre société, une société où les réseaux sociaux sont censés développer les liens, mais qui finissent par les tuer en offrant de plus en plus de superficialité. Margido, le responsable d’une entreprise de pompes funèbres a bien du mal à adhérer à tout cela, sa nièce Torunn, de son côté n’aspire qu’à renouer à la solitude, plutôt que d’entretenir de fausses relations. Le couple homosexuel formé par Erlend et Krumme prend une grande importance dans ce nouvel opus. Ils ont construit une vraie petite famille, et leurs crises d’identité sont certes souvent drôles, mais surtout empreintes de beaucoup d’émotion.
L’auteure nous parle aussi de transmission de valeurs et pas que d’héritage familial. Que faire de ce lourd passé que semble traîner comme un fardeau les Neshov ? Quelles valeurs partager avec des enfants ? Quel espoir peut-on retrouver après de lourdes tragédies ? Autant de questions qui vont trouver quelques réponses avec ce roman. Un roman qui peut donner envie aux novices de se confronter aux grands froids du nord de l’Europe, et à la chaleur de ces cœurs scandinaves, quitte à relire ou lire les trois premiers tomes.
Merci Madame Radge du bel espoir que vos personnages portent en eux !
franck boussard
Anne B. Ragde, L’espoir des Neshov, Fleuve Editions, 2017, 352 p.- 19.90 €.