Vulves et clitos ne sont pas du goût de tout le monde et Facebook a largement censuré les dessins de la créatrice. C’est à n’y rien comprendre. D’autant que dans son dernier livre aux Crocs Electriques, l’artiste s’appuie sur un poète. Pas n’importe lequel : Baubô. Elle « image » un de ses textes où est rappelé qu’ « Au commencement était la matière. (…). C’était un monde sans peau où chaque substance se mélangeait dans un dégueulis d’atomes en fusion, et les dieux jouaient avec ». Ils inventèrent les bords pour découvrir la joie de d’oser et s’ahurir de jouissance en explosant de caresses voluptueuses une certaine veuve clito.
Mais le monde a bien vieilli et s’est crispé depuis Déméter. L artiste la réincarne, juteuse en ses sinuosités, sa corolle, ses gonflements, avec minutie, précision et drôlerie et surtout sans restriction afin de rappeler que le sexe est jouissif. Aux objets l’artiste préfère le plaisir. Et c’est ce qui doit gêner aux entournures — du moins celles des pisse-froid.
Miss Cramouille s’en donne à corps joie pour combler les béances d’une mémoire collective peu intéressée par l’essentiel. Ses images ironiques sont là pour – et si l’on peut dire — mettre les pieds dans le plat. Reste cependant à tirer des bords face au désordre vital. De telles interventions graphiques dans les fins fonds de la matérialité physique se refusent à l’abstraction mentale : le doigt est dans la prise ouverte et riche d’un lieu aussi singulier qu’universel.
En ce sens, Amandine Brûlée reste une baroque. Elle démantibule le vieux langage figural culottier afin de produire une résurrection et une insurrection tout feu tout flamme. Coincé(e)s s’abstenir.
jean-paul gavard-perret
Amandine Brûlée, Dessins texte, Editions les Crocs Electriques, 2017 — 5,00 €.