Romina, encore fillette, a fui la Roumanie de Ceausescu avec sa mère, Anna, pour Paris où son grand-père était déjà installé. Mais, depuis son arrivée en France, toutes sortes de rumeurs plus ou moins farfelues courent sur son compte. Cependant, elle a fait son chemin et est devenue une brillante scientifique qui travaille pour la firme Microreva. Ce matin-là, quand elle arrive au dixième étage de la tour, elle trouve Danesh, un client, évanoui devant son bureau. Elle a le sentiment de revenir trente ans en arrière quand elle avait trouvé, en rentrant de l’école, leur propriétaire mort devant chez elle. Ce malaise est dû, lui déclare-t-on, au diabète et Danesh est prestement évacué. Cet incident déclenche un tel malaise qu’elle se décide à consulter un psychiatre, un Iranien en exil.
Au sein de l’entreprise les rivalités sont vives, en particulier avec Jeanne Vigareli, une autre scientifique. Le management imprévisible du nouveau patron, le fils du précédent, n’est pas étranger à cette situation. Greg, son mari qui travaille dans la même société, a une attitude étrange. Il est parti un jour plus tôt que prévu pour le site de production de Caen. Un spam sur l’ordinateur personnel de Romina l’interpelle, lui fixant un rendez-vous à Caen si elle veut en savoir plus.… Et puis, sur un site Internet, un article qui dénonce le fichage des citoyens s’appuie sur les résultats de ses recherches, résultats qu’elle avait transmis à sa direction. Celle-ci accuse alors le couple d’avoir vendu le fruit des recherches à une puissance étrangère, en l’occurrence l’Iran. C’est l’effondrement pour Romina.
Jeanne disparaît, partie semble-t-il après avoir vidé ses comptes et transféré ses avoirs vers un paradis fiscal.. Or, en allant chez elle, Romina aperçoit le cadavre de Jeanne et Greg près du corps. Elle plonge dans un trou sans fond…
L’espionnage reste une valeur sûre comme base d’intrigue car cette pratique, si elle a bien évolué au cours des siècles, perdure sous des formes qui s’adaptent aux situations politiques et surtout aux technologies nouvelles. S’il ne s’agit plus de luttes, comme dans les années soixante, entre deux grands blocs (quoique !), l’espionnage industriel et économique a pris le relais. En effet, pourquoi payer de longues et coûteuses recherches quand on peut trouver ailleurs ce dont on a besoin ? C’est ce type d’espionnage qui est au cœur du nouveau roman de Naïri Nahapétian. Elle déploie les conséquences de celui-ci sur une héroïne, en butte depuis l’enfance à toutes sortes de rumeurs, et multiplie les péripéties jusqu’à la placer au centre d’un inextricable faisceau de conjectures et d’accusations.
Elle introduit, parmi la galerie de personnages, deux protagonistes déjà rencontrés dans Un agent nommé Parviz, un roman paru en 2015 (l’aube Noire), à savoir Parviz, un homme étrange travaillant soi-disant pour la CIA et Florence Nakash, une agente de la DGSE qui enquête sur cette possible vente de données sensibles à l’Iran, un pays sous embargo.
Naïri Nahapétian concocte alors une intrigue aux ressorts particulièrement retors, multipliant les coups de théâtre, mêlant vies privées et vies professionnelles dans un maëlstrom de péripéties et de rebondissements jusqu’à un final étonnant et remarquable. Jadis, Romina Wagner est un roman qui se lit avec avidité tant l’intrigue est prenante, servie par des chapitres courts et une écriture fluide. Ce livre donne une furieuse envie d’aller à la rencontre des autres récits de l’auteur.
serge perraud
Naïri Nahapétian, Jadis, Romina Wagner, éditions de l’aube, coll. “Noire”, mai 2017, 200 p. – 17,80 €.