Hélène Bessette — écorchée vive disparue dans l’indifférence et le dénuement en 2000 — fut pourtant une des plus grandes promesses littéraires découverte par Queneau lui-même. Il lui offrit un contrat pour 10 livres chez Gallimard qui restèrent quasiment inconnus et rejetés sauf par ceux (Duras en tête) qui surent en récupérer une certaine mise. 20 minutes de silence fut un réel ovni littéraire des années cinquante. Roman aussi poétique que policier, abstrait que figuratif, il reste l’œuvre litanique du doute.
Toute l’ironie s’y déploie en un découpage où les indices, questions et solutions sont distribués en poèmes. Leurs vérités et vers se contredisent les uns les autres. Les éléments y sont montrés cachés là où une « bonne bonne » nommée Rose Trémière devient solidaire de la romancière et serait, si le besoin s’en faisait sentir, capable de fabriquer des testicules pour chiens castrés ou criminel potentiel.
Ce roman «post war » est encore influencé par les remugles de la guerre et ses collaborateurs devenus résistants passifs aux dernières heures du conflit. Si bien que le livre devient une charge implicite contre la bourgeoisie. Si bien que, dans ce jeu incantatoire, criminel et victime se confondent. Le premier ramène plus au « Saint » de Jean Genet qu’aux figures classiques du roman policier. L’auteure oublie parfois et volontairement l’intrigue pour plonger le lecteur dans les abîmes d’un monde policé. Le crime ne paie pas vraiment et celui qui le fomente bénéficie de circonstances plus qu’atténuantes.
Les Editions Le Nouvel Attila permettent donc de revisiter une œuvre oubliée mais qui reste novatrice : l’auteure y brise bien des convenances et des stéréotypes. Elle y entama (entre les 20 minutes qui séparent le meurtre de sa découverte) des déconstructions. Elles en annonçaient bien d’autres même si le roman bourgeois fait encore florès dans le monde littéraire tel qu’il demeure. La future rentrée sera bientôt là pour le prouver.
jean-paul gavard-perret
Hélène Bessette, Vingt minutes de silence, Editions Le Nouvel Attila, 2017, 176 p. — 17,00 €.