La communauté italienne est une réalité belge depuis près d’un siècle. La misère du sud de la botte et la formidable explosion industrielle de la Wallonie ont produit un immense transfert de population. Et d’Adamo à Schiffo, les héros populaires d’outre-Quevrain doivent beaucoup aux Italiens.
Le travail d’Erika Vancouver est traversé par cet héritage. Les petites-filles de Salvatore est donc une remontée du temps. Elle mêle elle les restes de la vie des anciens mineurs italiens du Bois du Cazier, et de leurs descendantes. Du moins celles du concours Miss Italia Belgio. De l’ombre à la lumière, des cages des mines aux spotlights des scènes interlopes la photographe crée un effet à la fois d’abîme et d’exaltation sans pathos. Il y a là l’amour des origines transalpines et une bienveillance au temps qui passe.
Preuve que la photographie peut parfois non repartir de l’enfance mais de l’enfant. Celle qui pourra dire « C’est là que j’ai vécu »comme écrivait Duras. Dès lors, le livre devient un « roman » particulier sans dialogue de cire mais de circonstances. Pas n’importe lesquelles et l’écriture en offre des sortes de réponses “militantes”. Et l’artiste apprend à rouvrir les yeux dans la traversée lorsque le “je” devient à la fois l’autre et le même qui oblige à prendre parfois des allers sans retour.
L’œuvre n’est pas coupée de l’Italie. Mais elle trouve soudain une autre profondeur ; car il ne s’agit plus de vivre comme le reste d’une peuplade perdue dans un temps “pur’ mais là où il imprime jusque dans ses ruines et ses estrades des marques de douleur et de joie.
jean-paul gavard-perret
Erika Vancouver, Les petites-filles de Salvatore, texte de Salvatore Giucciardo, Français / Italien, Editions ARP2, Paris, 2017 — 52 p.