Anna Hope, La salle de bal — Rentrée 2017

Tournent tou­pies

D’une réa­lité ter­rible ( l’eugénisme et un pro­jet de loi sur le Contrôle des faibles d’esprit qu’un méde­cin « fou » et insen­sible caresse de ses vœux), l’auteure crée une fic­tion dont — par la forme même — pointe une réponse. Elle tente envers et contre tout de faire émer­ger en un éro­tisme doux, cré­meux au sein d’un bal. La danse n’y a rien de ges­ti­culé ou de déglin­gué. Un de ses couples –Ella et John — de l’asile d’aliénés de Shars­ton (York­shire) du début du siècle der­nier va trou­bler la donne. La femme sur­tout — moins folle que révol­tée — mais qui avait fini par accep­ter la rou­tine de l’institution de la mai­son des fous qui pour­raient deve­nir celle des morts.
Dès lors, le bal du ven­dredi soir qui ras­semble hommes et femmes au sein d’une réa­lité his­to­rique pour­rait venir à bout du « cha­grin des vivants », du moins tant que faire se peut. Le roman­cière intro­duit au sein de la balis­tique insen­sible et insensé du lieu les stig­mates d’une spon­ta­néité chorégraphiée.

Les dan­seur créent une ten­sion mys­té­rieuse qui vient rompre l’ordre éta­bli et ses « pro­messes ». S’affiche une dis­con­ti­nuité dans la continu. Et il existe là la matière d’un film même si l’écriture reste sans doute plus forte que les images pour une prise d’élan face à ce que le lieu d’isolation enferme. Le bal devient une plage où celles et ceux qui sont  bri­sés et  sont consi­dé­rés comme de simple restes se recom­posent. Sou­dain, face au pré­sent immo­bile et sans véri­table pré­sent, s’inscrit une cir­cu­la­tion au sein du cadre d’autorité.

Tout n’est pas simple et buco­lique pour autant. Mais Anna Hope, comme les grandes roman­cières anglaises, entraîne dans une ronde pas­sion­née et dan­ge­reuse, caden­cée et scan­dée là où la vie est à réin­ven­ter. Phra­sés embrayeurs, pre­miers tours de chauffe annoncent un « ça tourne » en apar­tés face à une cer­taine époque et sa réalité.

jean-paul gavard-perret

Anna Hope,  La salle de bal, Tra­duit de l’anglais par Élo­die Leplat,  Gal­li­mard, collec­tion « Du monde entier », 2017. En librai­rie le 18 aout.

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