Franz Bartelt, La Fée Benninkova

Les finan­cées

La fée déchue (elle a perdu sa baguette magique) de Bart­let est à sa manière une habile traî­tresse. Elle n’est pas la seule. Mais, par sa venue, le héros clau­di­quant glisse des aveux sur la morne plaine de son exis­tence. Face à la prin­cesse d’azur, il raconte son his­toire pimen­tée par le dévoi­le­ment hau­te­ment tarifé de Mary­lène, opu­lente cais­sière du super­mar­ché.
Ses doigts élec­triques et doux pro­curent des caresses au guin­gois. Et la fée clo­chante laisse conter l’intarissable rado­teur. Aux mécomptes de la fée (de Grands Lutins Noirs rêvent de lui faire la peau) font échos ceux de son hôte. Le gite vaut bien sa confes­sion. De mer­lan il devient sinon  maque­reau du moins pro­tec­teur en quelque sorte.

Tout est aussi triste que drôle dans ce conte à l’humour noir. L’auteur en détourne les codes où se pro­duit plus une des­cente aux enfers (cf. le dénoue­ment) qu’une fuite en para­dis ter­restre. Néan­moins, le lec­teur s’amuse. La fée Ben­nin­kova est aussi bar­rée que tou­chante : elle peut en cacher une autre. Mais l’ivresse est livresque car l’aura féé­rique n’est pas indé­lé­bile.
Et si le conte largue les amarres, n’est pas oubliée la glu des quo­ti­diens. La fée ne donne en rien l’accès à l’infiniment loin­tain. Son ins­tance flot­tante ne per­met pas d’en sor­tir indemne. Cela est tou­te­fois jubilatoire.

D’où le charme d’une œuvre rare où les cartes du Tendre sont faus­sées. Il s’agit plus d’une ques­tion d’ensevelissement que de prise en obs­cure clarté. L’homme à la patte folle est de ceux qui ne voient pas les obs­tacles – d’où sans doute son infir­mité notoire. Péda­lant d’une seule jambe dans sa chou­croute, il igno­rera les baies de gené­vrier et sera cru­ci­fié par des clous de giro­flées. Il les prend trop vite pour des âmes bleues.
Et c’est ainsi que sa parole rabâ­cheuse va finir par se tarir comme si cer­tains cres­sons avaient fini par lui don­ner des irritations.

jean-paul gavard-perret

Franz Bar­telt,  La Fée Ben­nin­kova, Edi­tions Le Dilet­tante, Paris, 2017, 160 p. — 15,00 €.

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