Les intrigues de cour ne sont jamais séparées des enjeux publics – alors présentés comme universels
La scène apparaît dans sa solennité sous l’effet des lumières transparaissant derrière le léger voile noir qui la sépare du public. On aborde manifestement avec révérence un monument du répertoire. Les projecteurs n’éclairent d’abord qu’en partie l’espace grandiose, entouré de piliers, laissant deviner de multiples passages, ne présentant qu’un élément de mobilier : le trône de Néron, qui sera transporté sur le plateau au gré de ses atermoiements. Le décor, composé d’une vasque centrale entourée d’un large plateau tournant, sera utilisé avec pondération, comme avec parcimonie. La première tragédie romaine de Racine nous porte à la cour de Néron, dans son plus proche entourage, que sa mère Agrippine, à laquelle il doit son Empire, entend encore régir. On assiste à l’émancipation d’une personnalité, à travers les rivalités, les luttes d’influences et les méandres des exigences concurrentes de l’éthique et du pouvoir.
L’auteur bien secondé par le metteur en scène exhibe l’intrication des passions politiques et des passions privées. Les intrigues de cour ne sont jamais séparées des enjeux publics – alors présentés comme universels. Les acteurs, que les choix scénographiques mettent en valeur, investissent avec ardeur et sobriété leur texte et leur personnage. Se nouent entre eux des tensions liées à la persuasion, la contrainte, l’amour de soi, les alliances, constituant un tissu fragile et mouvant. On assiste à l’éducation d’un tyran ; mais les transformations de son caractère sont des inflexions progressives présentées comme insensibles. La naïveté du sage Burrhus, l’ambition despotique d’Agrippine, la cruauté de Néron, qui veut voir la passion s’immoler sur son propre autel, ne sont révélées comme telles qu’à terme. Le choix de présenter les protagonistes du drame dans un costume symbole de leur caractère, de ne pas faire intervenir de décorum ni de gardes, conduit à une mise en scène abstraite, propre à valoriser l’aspect psychologique du texte, aux dépens, peut-être, de sa portée politique. La troupe est sans reproche. Jean-Louis Martinelli témoigne une fois de plus de son adaptabilité, de sa sensibilité ; sans audace mais avec acuité, il sert avec efficace les textes sans les trahir.
christophe giolito
Britannicus
de Jean Racine
Mise en scène
Jean-Louis Martinelli
Avec : Anne Benoît, Éric Caruso, Alain Fromager, Grégoire Œstermann, Agathe Rouiller, Anne Suarez, Jean-Marie Winling
Scénographie : Gilles Taschet, lumière : Jean-Marc Skatchko
Costumes : Ursula Patzak, coiffure, maquillage : Françoise Chaumayrac
Assistante à la mise en scène : Amélie Wendling
Théâtre de Nanterre-Amandiers, 7, avenue Pablo Picasso, 92022 NANTERRE cedex
Salle Transformable, tous les jours à 20h30 sauf le dimanche à 15h30 et le jeudi 19h30
Relâche le lundi, représentation en audio-description le 7/10 à 15h30
Durée : 2h10
Production : Théâtre Nanterre-Amandiers
Le texte Britannicus est publié aux éditions Gallimard, collection « La Pléiade ».