Britannicus (Jean Racine/Jean-Louis Martinelli)

Les intrigues de cour ne sont jamais sépa­rées des enjeux publics – alors pré­sen­tés comme universels

La scène appa­raît dans sa solen­nité sous l’effet des lumières trans­pa­rais­sant der­rière le léger voile noir qui la sépare du public. On aborde mani­fes­te­ment avec révé­rence un monu­ment du réper­toire. Les pro­jec­teurs n’éclairent d’abord qu’en par­tie l’espace gran­diose, entouré de piliers, lais­sant devi­ner de mul­tiples pas­sages, ne pré­sen­tant qu’un élé­ment de mobi­lier : le trône de Néron, qui sera trans­porté sur le pla­teau au gré de ses ater­moie­ments. Le décor, com­posé d’une vasque cen­trale entou­rée d’un large pla­teau tour­nant, sera uti­lisé avec pon­dé­ra­tion, comme avec par­ci­mo­nie. La pre­mière tra­gé­die romaine de Racine nous porte à la cour de Néron, dans son plus proche entou­rage, que sa mère Agrip­pine, à laquelle il doit son Empire, entend encore régir. On assiste à l’émancipation d’une per­son­na­lité, à tra­vers les riva­li­tés, les luttes d’influences et les méandres des exi­gences concur­rentes de l’éthique et du pouvoir.

 
L’
auteur bien secondé par le met­teur en scène exhibe l’intrication des pas­sions poli­tiques et des pas­sions pri­vées. Les intrigues de cour ne sont jamais sépa­rées des enjeux publics – alors pré­sen­tés comme uni­ver­sels. Les acteurs, que les choix scé­no­gra­phiques mettent en valeur, inves­tissent avec ardeur et sobriété leur texte et leur per­son­nage. Se nouent entre eux des ten­sions liées à la per­sua­sion, la contrainte, l’amour de soi, les alliances, consti­tuant un tissu fra­gile et mou­vant. On assiste à l’éducation d’un tyran ; mais les trans­for­ma­tions de son carac­tère sont des inflexions pro­gres­sives pré­sen­tées comme insen­sibles. La naï­veté du sage Bur­rhus, l’ambition des­po­tique d’Agrippine, la cruauté de Néron, qui veut voir la pas­sion s’immoler sur son propre autel, ne sont révé­lées comme telles qu’à terme. Le choix de pré­sen­ter les pro­ta­go­nistes du drame dans un cos­tume sym­bole de leur carac­tère, de ne pas faire inter­ve­nir de déco­rum ni de gardes, conduit à une mise en scène abs­traite, propre à valo­ri­ser l’aspect psy­cho­lo­gique du texte, aux dépens, peut-être, de sa por­tée poli­tique. La troupe est sans reproche. Jean-Louis Mar­ti­nelli témoigne une fois de plus de son adap­ta­bi­lité, de sa sen­si­bi­lité ; sans audace mais avec acuité, il sert avec effi­cace les textes sans les trahir.

chris­tophe giolito

Bri­tan­ni­cus
de Jean Racine

Mise en scène
Jean-Louis Mar­ti­nelli

Avec : Anne Benoît, Éric Caruso, Alain Fro­ma­ger, Gré­goire Œster­mann, Agathe Rouiller, Anne Sua­rez, Jean-Marie Winling

Scé­no­gra­phie : Gilles Taschet, lumière : Jean-Marc Skat­chko

Cos­tumes : Ursula Pat­zak, coif­fure, maquillage : Fran­çoise Chaumayrac

Assis­tante à la mise en scène : Amé­lie Wendling

Théâtre de Nanterre-Amandiers, 7, ave­nue Pablo Picasso, 92022 NANTERRE cedex

Salle Trans­for­mable, tous les jours à 20h30 sauf le dimanche à 15h30 et le jeudi 19h30

Relâche le lundi, repré­sen­ta­tion en audio-description le 7/10 à 15h30

Durée : 2h10

Pro­duc­tion : Théâtre Nanterre-Amandiers

Le texte Bri­tan­ni­cus est publié aux édi­tions Gal­li­mard, col­lec­tion « La Pléiade ».

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