Vieillards se niquent et belles dentelles
C’est dans l’Auge (pas le récipient mais le pays) que se trouve un « Jardin d’Eden » qui ne mérite pas — du moins a priori et forcément — son nom tant il y a d’Edern à lier. Entre autres, un nouvel arrivant prénommé Stanislas. Il vient dans cette maison confortable dirigée par son fils et qui ne s’attendait pas à un tel hôte de ses bois.
Le fils prodige n’avait aucune envie de retrouver un père prodigue en couacs, mensonges et frasques. Et ce dernier garde un coup d’avance ( d’autant que le fiston à une autre chatte à s’occuper). Le géniteur accuse de spoliation celui chez qui il vient quémander une ultime aumône. Le vieillard vient d’être éconduit par une jeune maîtresse (môme aux chromes rutilants) à laquelle il avait promis à défaut de rubis le franchissement du Rubicon sous forme d’un rôle dans un film.
Car Car Stanislas fut réalisateur d’œuvres douteuses et ratées. A force de suivre les diverse vagues de cinéma sans jamais les atteindre, il n’a créé que des sous-produits dans des genres B : péplums, films d’action, films érotiques. Néanmoins, il a connu quelques succès grâce à des malentendus, ce qui lui permit de jouer les flambeurs en se souciant comme une guigne de sa progéniture.
Dans son nouveau cénacle, il fait plus qu’illusion en légendant ses ratages et multipliant les subterfuges afin de sortir de sa prison austère qui se transforme peu à peu en lupanar au grand régal des autres pensionnaires. Tous (du moins ceux qui le peuvent) redeviennent de joyeux drilles taquinés encore par leur propre goujon.
Dès lors tout devient possible. Une nouvelle fois, les baby-boomers tentent de faire leur loi. Entre deux verres à dentiers, ils ne se débrouillent pas trop mal. Les tasses à thé deviennent athées et rendent les breuvages plus démoniaques que divins.
Le livre est le cadeau idéal pour la fête des grands-mères et des grands-pères. Quant à leurs ascendants, ils trouveront là une bonne propédeutique afin de se débarrasser de certaines et certains en les envoyant là où Stanislas fait des siennes et des siennes des chiennes en chaleur. Il y a là beaucoup de drôlerie et un peu de tendresse.
Le livre devient un mélange entre Les vieux de la vieille de Gilles Grangier et les films de Mocky. Mais l’atmosphère serait plus proche encore des films de Bertrand Blier qui aurait troqué ses jeunes premières et premiers pour des mégères apprivoisées et des pervers pépères.
jean-paul gavard-perret
Marc Salbert, Amour, gloire et dentiers, Le Dilettante, Paris, 2017, 126 p. — 19, 50 €.