Dans la légende napoléonienne, il est criminel de ne pas avoir été fidèle jusqu’à la mort au grand empereur. On risque le purgatoire, voire la damnatio aeterna. C’est le sort que les gardiens du temple réservent à l’impératrice Marie-Louise, caricaturée en petite oie blanche écervelée, dénoncée comme une épouse trahissant le grand homme qu’elle oublia dans les bras d’un autre, une mère indigne laissant son fils dans les froids palais autrichiens.
Tableau à charge s’il en est et qui ne correspond pas à la rigoureuse et passionnante étude que Charles-Eloi Vial, déjà auteur d’un livre de très grande qualité sur la Cour au XIXe siècle, consacre à cette femme broyée par des événements titanesques.
Marie-Louise sort à peine de l’adolescence quand son père lui fait épouser Napoléon 1er, elle atteint tout juste vingt ans quand l’empereur lui confie les premières responsabilités du pouvoir avant l’écroulement final. Et force est de constater qu’elle ne s’en sort pas si mal, sachant jouer son rôle de souveraine et ayant acquis « une maîtrise de soi et une force de caractère » qu’on lui dénie trop souvent. Toutefois, sa santé fragile et le stress intense ont raison d’elle et on se demande bien ce qu’elle aurait pu faire face à la coalition des Alliés et à celle des ennemis de Napoléon.
A partir de 1814, elle lutte pour obtenir du congrès de Vienne le duché de Parme qu’elle compte transmettre à son fils qui ainsi régnera, même sur un confetti de l’histoire. Ainsi s’explique son ralliement si rapide à l’Autriche et sa rupture avec son infidèle époux prisonnier. Elle ne reçoit en fin de compte Parme qu’à titre viager dans l’attente d’un retour inéluctable du duché dans l’escarcelle des Bourbons sur laquelle veille le vieux Louis XVIII. Malgré tout, elle règne avec sagesse, loin d’être une « souveraine fainéante », introduisant le Code civil dans son Etat mais toujours sous l’influence de l’Autriche et de Metternich pour lesquels elle constitue un élément de stabilité majeur.
Cette très belle biographie fait donc œuvre utile pour connaître un destin en fin de compte triste, ballotté par les vents violents de l’histoire.
frederic le moal
Charles-Eloi Vial, Marie-Louise, Perrin, avril 2017, 439 p. — 24,00 €.