Bientôt viendra le moment où Elizabeth II ne régnera plus, soit à cause de son grand âge soit à cause de sa disparition. Dans tous les cas de figure, Charles se retrouvera au premier rang. Mais que sait-on du futur Charles III ? De cet homme caricaturé, moqué, malmené par les sondages d’opinion et parfois vilipendé ? Bien peu de choses en vérité.
L’essai biographique que lui consacre Isabelle Rivière apporte un certain nombre d’éléments très intéressants sur sa vie et sa personnalité, et surtout sur le couple qu’il forme avec Camilla, la duchesse de Cornouailles. Elle aussi a connu l’impopularité, voire la haine au moment de la mort de Diana il y a aujourd’hui vingt ans. Il est vrai que le contraste est saisissant entre la « Lady Di » des médias, femme splendide, d’une élégance rare, cosmopolite, amie des couturiers et des stars et Camilla Parker Bowles une British pur jus, guère jolie et longtemps mal fagotée, qui aime la campagne et les chevaux. Mais elle est en quelque sorte le double de Charles et sans aucun doute le grand amour de sa vie.
Auteur d’une remarquable étude sur Elizabeth II, Isabelle Rivière nous aide à mieux connaître le prince de Galles. Son style de vie rappelle sur bien des points celui des aristocrates anglais du siècle dernier : maison de campagne, passion pour les jardins, amour des paysages d’Ecosse, œuvres caritatives. Il n’a cessé d’ailleurs de pourfendre les laideurs architecturales défigurant les grandes villes, les habitats modernes et impersonnels et surtout les désastres environnementaux. Or, tout cela révèle une grande cohérence intellectuelle : un attachement au beau, aux liens entre les individus, aux transmissions de tous les héritages. Ce prince a été un précurseur dans des combats autrefois raillés et aujourd’hui reconnus.
C’est aussi une vie émouvante, marquée par de nombreuses souffrances dans son enfance comme plus tard dans son malheureux mariage. Dans une époque de l’image, du culte de la jeunesse et du glamour, de la beauté éternelle, bref de la superficialité, ce couple nous rappelle que les princes œuvrent en profondeur pour des causes justes, tentent de faire le bien, d’améliorer la société de leur temps.
Certes, Charles a eu vingt ans en 1968. Et on ne sort pas indemne d’une telle génération, y compris dans son milieu ! On lui prête à ce propos des intentions de simplification de la monarchie et même s’il ne nous fera pas le coup du pape François de vivre dans une chambre d’hôtel, on peut craindre les effets de ce genre de désacralisation qui fragilise le pouvoir et l’autorité. Comment se déroulera son sacre, cérémonie religieuse s’il en est, alors que le Royaume-Uni sort (est sorti ?) du christianisme ?
Pourtant, Charles doit régner malgré les pressions pour que son fils, le duc de Cambridge, hérite de la couronne de sa grand-mère. En refermant ce livre pertinent, on a envie de dire que Charles mérite de monter sur le trône avec à ses côtés une Camilla qui joue un rôle capital dans sa stabilité. Mais il y va surtout de la survie de l’institution monarchique, fondée sur la transmission héréditaire et non sur les variations de l’opinion et des sondages.
Attendons donc… mais en gardant à l’esprit l’exemple d’Édouard VII, autre prince de Galles ridiculisé qui attendit des décennies sa couronne pour finalement devenir un grand monarque.
frederic le moal
Isabelle Rivière, Charles & Camilla. Une histoire anglaise, Fayard, avril 2017, 299 p. — 20,00 €.