Lionel Ray, Souvenirs de la maison du temps

A l’épreuve du silence

Quoique « Vieil homme » comme il se défi­nit, Lio­nel Ray cherche dans l’obscurité pro­fonde des portes sans doute impro­bables. Mais le jeu en vaut la chan­delle. Peut s’y décou­vrir,  une fois le seuil fran­chi, « Une source un bou­quet une clé / une main nue Comme la nuit ». Certes, le poète sait que l’hiver ou le lieu final de la vie est là. Il ne pré­tend pas s’en abs­traire et en recon­naît l’effroi.
Mais il sait s’accrocher au « tout ce qui reste » de Beckett – à savoir pas grand chose : une abeille « qui fre­donne parmi les choses de cou­leurs et les objets silen­cieux ». Bref, juste quelques signes de vie au milieu des ruines et des paniers vides.

Lionel Ray s’arrime aux hor­loges qui deviennent à cha­cun de nous de plus en plus dor­mantes puisque leur temps devient inha­bité dès avant la céré­mo­nie des adieux. Mais la voix passe encore les murs, les mots sont tout sauf des épaves face à « ce regard de bout du monde » qui apprend encore la lumière au sein du cré­pus­cule.
Celle-ci pèse sur nos épaules et cir­cule dans notre corps, du moins ce qui en lui tient. Manière, lorsque le froid enva­hit, de cher­cher pour tirer sur soi autre chose qu’un « drap noir ». A ce point, les pierres qui nous regardent, il faut savoir les réchauf­fer et per­cer le silence. Lio­nel Ray nous l’apprend en « voya­geur éperdu, étourdi de som­meil ». Manière de déboî­ter la nuit lorsque sa main nous touche. Il faut res­pi­rer encore tan­dis que la ville dort parmi ses ombres appesanties.

jean-paul gavard-perret

Lio­nel Ray,  Sou­ve­nirs de la mai­son du temps, Gal­li­mard, coll. Blanche,  2017.

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