Depuis une mauvaise chute, Martha a bien changé : restée un temps dans le coma, son comportement est devenu étrange, ses souvenirs — du moins ce qu’il en reste — aussi. Le narrateur en perd d’abord ses repères. Toutefois, quelques jours avec elle, vont changer bien des choses : des rencontres imprévues, la nature extatique, la levée de certains secrets et Martha se révèle différente de ce qu’elle était jusque là. Pour autant, pas de risques : en dépit de quelques incidents de parcours, tout reste apaisé, doux, tranquille. Et l’écriture est sage comme une image. Trop peut-être.
C’est connu depuis longtemps : difficile de faire de la belle littérature avec de bons sentiments. Le livre ressemble à un de ces petits vins qui se boivent sans soif mais dont il ne reste pas grand chose. Et son écriture ressemble à la route que suit le narrateur : « une douce courbe à flanc de coteau pour longer une vaste étendue de prairies où des vaches avaient pris des poses paisibles. Dans le ciel de ce début de juillet, quelques nuages se laissaient faire par le vent ». Alors qu’importe si une voiture tombe en panne.
C’est un peu moins vrai pour ce roman d’été. Il permet, certes, de profiter de spectacles enchanteurs même si une vieille femme jette un trouble dans la fratrie de Martha et du narrateur. Tout pourrait basculer mais Dannemark saura sauver les meubles et justifier le titre qu’il donne à son roman. L’intérêt se limite à celui d’une narration qui ne sort jamais de ses gonds sinon pour décaler le réel de ses ombres et les remplacer par une douce lumière.
Tout reste néanmoins anecdotique. D’un tel auteur, l’attente était plus grande.
jean-paul gavard-perret
Francis Dannemark, Martha ou la plus grande joie , Le Castor Astral, 2017.