Les portraits et autoportraits de Clémence Losfeld constituent un étrange poème plastique et le relevé d’histoires dont la photographe feint de faire profiter le voyeur. L’artiste mêle la gravité au cérémoniel parfois insidieusement érotique. Exit les cymbales propres à entonner le carpe diem. Préférant la notation simple aux grands discours photographiques, l’artiste crée une œuvre où, parfois sous effet de « reportages », la prise reste en tension et selon une radicalité scénique afin de faire jaillir de l’ombre la lumière offusquée.
La photographe propose d’étranges osmoses. Jouant de l’ombre et de la lumière, du montré et du caché elle laisse tout dans l’ambiguïté. Des galbes soulignent l’intime en bradant avec pertinence la ressemblance au profit de l’Apparition. Un insaisissable se rapproche dans la succession des prises sous le reflet multiple de la carnation ou de la silhouette vêtue.
Un tel acte photographique n’est pas anodin : il ouvre un éventail de possibilités et de transfigurations non seulement de l’intimité mais de la “persona” là où le corps est donné dans sa solitude. L’effet de voyeurisme est patent mais le propos est plus fort. Il intègre les champs de l’émotion « pure » — distanciée juste ce qu’il faut — pour, au besoin, faire du corps une fiction productrice de réel par effet de fragments, de décadrages « intempestifs » face aux représentations trop lisses du monde.
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jean-paul gavard-perret
Clémence Losfeld : membre du Studio Hans Lucas, Give me Five !, Galerie Stardust, Paris, juin 2017.