La clôture d’un magnifique triptyque
Dix ans après la parution du tome 2, Luc Brunschwig livre la suite et la fin de ce récit à la fois historique et social, familial et humain. C’est le récit d’une famille française avec ses choix, ses fragilités. Mais le scénariste introduit la grande Histoire, les bouleversements qu’elle peut entraîner dans des vies ordinaires et la façon dont de simples individus peuvent être broyés par des événements sur lesquels ils ne peuvent avoir aucune prise, aucun pouvoir de choix à défaut de décision.
Dans les tomes précédents, l’histoire s’organise quand Laurent Letignal participe à une émission de télévision pour raconter la conception de son nouveau polar, inspirée de l’expérience vécue avec une jeune algérienne enceinte obligée de quitter son pays pour trouver plus de liberté en France. Il révèle, également, la douleur ressentie à la disparition de son père. Les responsables de la chaîne, pressentant un gros potentiel émotionnel, lui donnent les moyens de rechercher le passé de son père. Avec Marion, une jeune réalisatrice de documentaires, Laurent se lance alors sur les traces de sa propre histoire…
Le troisième tome s’ouvre sur Sidoine, hébergé depuis trois ans chez Hubert et Sylviane dans la région de Montargis. Tarik joue avec Sultan, le chien, à poursuivre des poules. Il s’engouffre à leur suite dans la grange, un territoire dangereux pour le petit garçon. Bien qu’épuisé, sous assistance respiratoire, Sidoine tente de le faire revenir et s’écroule.
Laurent arrive en alsace, à la société Cohen et Müller. Il finit par rencontrer Henri qui se souvient bien d’Isaac qui est venu avec un bébé dans les bras. En faisant signer une lettre qur le droit à l’image et le respect de la vie privée, il raconte à Laurent ce qu’il sait. Peu à peu, celui-ci découvre le parcours de ses grands-parents, de son père. L’histoire de sa propre famille n’est pas aussi simple qu’elle pouvait paraître. Mais, il n’est pas au bout de ses surprises …
Ce tome donne la suite de la mystérieuse cavale d’un vieil homme avec un bébé dans les bras et les raisons qui motivent cette attitude. Luc Brunschwig — qui relate dans une courte introduction, le difficile travail que fut l’écriture de ce scénario car cette histoire le touche personnellement — offre un récit prenant, d’une grande sensibilité. Il multiplie les flashbacks, passant d’une époque à une autre d’une vignette à l’autre, impulse une rapidité, une tonicité dans le déroulement de son récit. Ainsi, par exemple, on quitte une scène où pour faire respirer le veau qui vient de naître, mais qui étouffe, Laurent met un brin de paille dans les naseaux à une chambre d’hôpital où son père lutte contre l’étouffement. Il raconte l’occupation de l’Alsace par l’armée allemande, le recensement des juifs, la fuite ou la mort de ceux-ci.
Le scénariste
Le dessin d’Étienne Le Roux est impressionnant par sa maîtrise, par l’expressivité des visages, par le mouvement des corps, le choix des cadrages et des couleurs.
Avec La Mémoire dans les poches, Luc Brunschwig donne un récit à la hauteur du Pouvoir des innocents, magnifié par un Étienne Le Roux au sommet de son art.
serge perraud
Luc Brunschwig (scénario) & Étienne Le Roux (dessin et couleur), La Mémoire dans les poches troisième partie, Futuropolis, mai 2017, 80 p. – 17,00 €.