Qui n’est pas poursuivi par le souvenir de fantômes ? Et Franck Delorieux plus qu’un autre peut-être. Il les incarne non sans émotions — à l’image de l’évocation de son père par exemple. Pour chacun d’eux, il crée un univers particulier. Il remonte son histoire, entre en vibration avec eux car la force de devenir les emporte.
Reprenant un titre du poète belge François Jacqmin (Editions Phantomas, 1979) ; il les « classe » en des saisons non pour mettre de l’ordre mais pénétrer leurs arcanes à la « croisée » impossible entre l’aujourd’hui et l’hier, pour rassembler des ivresses aux lueurs parfois d’apocalypse. Demeurent une élévation et un épuisement, une faille et une présence vers la « pure » émergence dans l’axe violent de figures et le vide qu’elles laissent.
Le poème est travaillé par le temps, mais « en même temps » (comme dit le Président Macron) il le tourne contre lui-même. L’œuvre devient le corrigé du passé plus ou moins revenant comme manque et accomplissement. Là où existent des failles demeure une respiration vitale.
Chaque pièce de ce puzzle reste plus ancienne que les couleurs et les lignes qui l’affectent. Elles en portent sa mémoire et la condensent. L’objectif reste de contempler la perte irréductible et la pérennité qui différencient le travail du deuil et celui de la mélancolie. La mélancolie particulière où peut se reconnaître ce qui a été perdu puisque le temps n’est plus là que pour duper. Et si certaines branches sont vides de feuilles, elles ne le sont pas de commentaires.
jean-paul gavard-perret
Franck Delorieux, Les saisons, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2017.