Maisons closes et autres ouvertures
Van Maele fut un auteur et dessinateur méconnu même s’il connut un succès sulfureux puisqu’il fut le maître du dessin érotique. Il cultivait — du moins dans ses œuvres — un goût appuyé pour le fouet. Citons pour le plaisir (si l’on peut dire) : La Comtesse au fouet, Domptée par le fouet, La flagellation amoureuse, Le Fouet au Moyen Age, Instruments de flagellation, La philosophie du Fouet. Et la liste n’est pas close même si les maisons qu’il fréquenta assidûment le furent.
Ses belles de cas d’X sont fidèles à leur époque : amples en chair, de telles promises furent rarement vierges au soir de leur noces. Mais toutes se veulent des roses sans épines même si elles sacrifient au fouet dans leur Zorro de conduite.
Refusant l’excrément comme le sacré mais non sans un goût prononcé pour Goya, Van Maele montre comment et pourquoi les couples bougent, se prennent et reprennent avec plus de force leurs étreintes avec (on le subodore) des grognements sourds. Le créateur illustre comment se reforme sous l’humain la bête (à moins que ce ne soit l’inverse, sûrement même), dès la fin du jour et jusqu’à l’aube. Du moins pour les plus vigoureux au moment où les grognements se changent en petits rires et les secousses des reins en baisers – ce qui ne retranche rien au délit d’adultère.
Cette exaspération de la chair reste chez Van Maele toujours entre la farce et le tragique. L’artiste illustra Les Fleurs du Mal sans contresens ou caricature. Le corps est parfois souffrant, parfois jouissant. Face à lui, les dessins de Van Maele laissent la pensée libertine sans en retenir les rênes mais sans non plus la réduire à une mécanique artisanale. L’artiste crée à sa manière la connaissance du « mal ». Pas question pour autant d’activer des leçons de morale. Cochon qui s’en dédit.
jean-paul gavard-perret
Luc Binet, Martin Van Maele ou le diable se cache dans les détails, Editions HumuS, Lausanne, 2017, 190 sfr.