On croit connaître le pape Jean XXIII, ce « bon pape Jean », père du Concile Vatican II devenu l’année zéro de l’histoire de l’Eglise catholique, le pontife de l’ouverture après le règne monarchique et conservateur de Pie XII. En réalité, les courants progressistes ayant « annexé » le pape Roncalli pour en faire l’un des leurs, sa véritable personnalité demeure inconnue, brouillage entretenu par les multiples études hagiographiques.
On attendait donc avec impatience un travail scientifique, marqué par le recul et l’objectivité. Celui d’Yves Chiron, on ne s’en étonnera pas, répond à ces critères. Toujours très bien documentées, ces recherches nous permettent de mieux saisir ce pape en effet inattendu.
D’origine paysanne, marqué par cette religiosité populaire matrice de sainteté, le jeune Roncalli fut un élève bien moyen qui ne donna sa pleine mesure intellectuelle qu’au séminaire. Ses années auprès de Mgr Radini Tedeschi, évêque de Bergame, comptèrent beaucoup dans sa carrière ecclésiastique. Mais insistons sur ce qui sera une permanence : son orthodoxie dogmatique et doctrinale, sa fidélité au pape et à Rome, sa volonté de dialoguer, son activisme pastoral. L’autre marqueur fut bien sûr l’entrée dans la carrière diplomatique où toutes ses qualités purent s’épanouir y compris dans des situations politico-religieuses complexes.
Devenu patriarche de Venise et cardinal, il acquit une stature qui en fit un papabile. Le conclave de 1958 le choisit comme pape. Il devait être un pontife de transition et, incontestablement, il révolutionna l’Eglise. Les chapitres sur la préparation du concile et son déroulement, écrits avec clarté, permettent de saisir son rôle, à la fois central et en retrait mais aussi ses prudences sur bien des points. Ne serait-ce que sur la liturgie, domaine où ses conceptions étaient en fait très traditionnelles et éloignées de toute épuration néo-protestante.
Il n’empêche. Vatican II constitue bel et bien un acte majeur de son pontificat. Mais il ne constitue une rupture que par la captation de son œuvre et de son héritage par les « révolutionnaires » de l’après-concile. Roncalli incarnait une volonté de bien faire, de répondre aux défis de la modernité de l’après-guerre non sans, il faut bien l’avouer, une certaine dose de naïveté, défaut qui apparaît à plusieurs reprises dans la biographie.
Quoi qu’il en soit, les papes de transition peuvent marquer leur temps et l’histoire de l’Eglise. Benoit XVI le confirmera lui aussi.
frederic le moal
Yves Chiron, Jean XXIII. Un pape inattendu, Tallandier, avril 2017, 459 p. - 24,50 €.