Nathalie Riera publie cette année deux carnets. L’un répond à l’économie classique de la revue, l’autre présente une déambulation des plus remarquables dans la poésie romande d’aujourd’hui (d’Olvier Beetschen à Pierre-Alain Tache et Claire Genoux, de Marie-Laure Zoss et Pierrine Poget à Antoine Rodriguez et Laurence Verrey). Ce numéro spécial est une parfaite réussite autant par son contenant que son contenu et dans les multiples éclats des fragments proposés.
Le numéro « Sur les routes du monde » est apparemment plus prolixe. Sans doute parce que le monde l’est. Mais Nathalie Riera a — entre autres — le mérite de faire de sa revue un des rares lieux où est rendu hommage à Charles Racine dont la mort est passée inaperçue. Lambert de Barthélemy nous apprend néanmoins qu’une prochaine publication pourrait remobiliser l’attention du lecteur.
Le titre du numéro est justifié par un ensemble de textes qui mettent en relief Bruce Chatwin, Anne-Marie Schwarzenbach et Sharunas Bartas. Là encore l’esprit des revuistes est — surtout dans les cas des deux derniers cités — de mettre en exergue des œuvres méconnues. Enfin et au delà d’un portfolio impeccable du vidéaste Alain Bourges, la revue donne ou redonne la voix à des auteurs tels que Philippe Jaffeux et Jacques Estager dont les œuvres sont majeures mais encore confidentielles.
Ces deux ensembles font honneur à l’Atelier — éditeur de la revue. Un tel lieu prouve la vitalité du Sud dans la défense et illustration des arts et lettres. Epaulée par Tristan Hordé, Eve-Marie Berg, Claude Darras et quelques autres, Nathalie Riera s’engage dans le corps amoureux de la langue, un corps multiple qui convoque autant l’engagement que l’esthétique. Preuve que la poésie au sens large n’est pas en voie d’extinction.
jean-paul gavard-perret
Les Carnets d’Eucharis, Sur les routes du monde & La traverse du Tigre, Roquebrune sur Argens, 2017, 112 p. — 19,00 € & 16,00 €.