L’image du Christ traverse toute l’histoire de la peinture occidentale. Elle en constitue d’une certaine manière le creuset et le point de fixation ou, si l’on en croît Deleuze, “l’image absolue”. Le XXème siècle a vu émerger cependant, dans un occident chrétien en crise et après Nietzsche, la figure de “l’AntéChrist”. Par voie de conséquence a surgit la “défiguration” de l’image christique. Dali en été le chef de file. Arrabal, Serrano est bien d’autres l’ont suivi. Et Witkin en remet une louche géniale et ludique.
La croyance et la dévotion ne sont plus de mise ? Ou du moins elles déplacent la Passion en passion des images. Le “montrage” qui faisait du corps vénéré un organisme littéralement incroyable est déplacé, décalé à la façon d’un rébus, d’un rêve et d’une farce. Witkin s’amuse à disséminer des suites d’indices qui ne sont plus ceux des objets religieux mais de leur caricature. Le regard zigzague d’un détail à l’autre à travers clous ou couronnes, anges agressifs, croix délétères et questions de genre qui n’érigent plus la gestion des relations mystiques : elles surgissent en termes de moquerie.
Les vierges dolentes sont parées de fétiches érotiques. Les bas jouxtent un utérus qui, s’il reste objet de dévotion, ne l’est plus qu’à des fins de pénétration, d’incorporation. Le sexuel (comme cela fut le cas longtemps dans l’iconographie religieuse) n’est plus une métaphorisation du sacré mais son cirque. Le blanc et noir apaise un peu l’aspect charnel des chairs roses.
Dans la logique implacable de l’oeuvre, jamais ne s’efface la lunule des ongles ni le froissement modulé des jupes de celles qui les font se soulever, rivés à “la nuit sexuelle” (P. Quignard) dont nous ne connaissons que la honte d’avoir été commencée (quelle que soit la graine).
jean-paul gavard-perret
Joel-Peter Witkin, The soul has no gender, Galerie Baudouin-Lebon, 20 avril au 4 juin 2017, Paris.
Décidemment,c’est ma semaine .
Jean-Paul, brillant comme d’habitude, quelle justesse dans les mots, comme dans l’analyse.
merci