Brigitte Aubonnet, D’autres à qui penser

Après un recueil de nou­velles, voici le pre­mier roman de Bri­gitte Aubonnet

Quatre ans après son recueil de nou­velles, Le bleu des voix, Bri­gitte Aubon­net nous fait la sur­prise d’un pre­mier roman, éga­le­ment publié aux édi­tions Le Bruit des autres.
 
Gaëlle et Maxime se sont connus il y a dix-huit ans alors que tous deux vivaient l’aventure du mili­tan­tisme et de l’engagement. Puis la vie les a empor­tés : Gaëlle s’est retrou­vée seule après la mort de Fabrice son époux et Maxime a quitté sa com­pagne Clo­tilde et le fils qu’ils ont eu ensemble. Du deuil et de l’abandon on connaî­tra peu de choses ; sim­ple­ment nous savons au com­men­ce­ment du récit que l’un et l’autre éprouvent le désir de bri­ser la soli­tude et l’ordre appa­rent de leur vie. Dans un face à face trou­blant et à tra­vers un récit alterné, Gaëlle et Maxime vont se racon­ter mais aussi par­ler des autres et c’est à tra­vers ces regards diver­gents que nous allons peu à peu décou­vrir ce qu’ils sont.
 
C’est Gaëlle qui fait le pre­mier pas mais c’est Maxime qui pro­pose un rendez-vous Après le tra­vail, dans un café, comme avant ? Sauf que ce « comme avant » prend peu à peu des allures de pre­mière fois. Gaëlle a des bouf­fées d’adolescence tan­dis que Maxime se sou­vient qu’il n’a pas fait l’amour depuis trop long­temps. Mais cha­cun arrive avec sa valise pleine des dix-huit ans qui viennent de s’écouler et cha­cun, à sa manière, dévide le fil inter­mi­nable et men­son­ger des sou­ve­nirs tout en se posant des ques­tions sur l’autre.
Ils se fixent, aiman­tés. Admettre, l’un et l’autre, qu’ils sont encore eux-mêmes, les mêmes, pas tout à fait, sûre­ment. Entre eux, le temps flem­marde. Des années à tra­ver­ser en quelques secondes. Un bouillon­ne­ment. Ils admettent qu’ils res­semblent à ce qu’ils ont été. Cha­cun retrouve chez l’autre un petit quelque chose.
Au gré d’une écri­ture dont l’économie et la rec­ti­tude ne sont pas sans rap­pe­ler celle d’Annie Ernaux, nos deux futurs amou­reux se révèlent peu à peu, dans leur huma­nité faite de pro­fondes fêlures, de petites mes­qui­ne­ries et de tout ce qui laisse des rides, amères ou rieuses.
Ce soir elle ne veut pas être conta­mi­née. Elle se sent bien, sereine, elle ne s’occupera de per­sonne.
 
D’autres à qui pen­ser n’est pas un roman inti­miste de plus, tant l’humour tou­jours à fleur de mots vient atté­nuer la gra­vité des pro­pos ; que ce soit le malaise d’un vieil homme qui per­turbe la ren­contre, une réflexion désin­volte au sujet d’une « rela­tion comp­table » ou la liste d’amants « trou­vés » sur un site de ren­contres, cata­lo­gués comme pour être ven­dus aux plus offrantes. Et à tra­vers le vécu de ces deux per­son­nages, c’est un miroir que nous tend Bri­gitte Aubon­net.
Libres à nous de nous en empa­rer pour décor­ti­quer nos angoisses mor­ti­fères ou nos rou­geurs de midinettes.

p. châ­tel

   
 

Bri­gitte Aubon­net, D’autres à qui pen­ser, Le bruit des autres, mars 2009, 14,00 €

 
     

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