On ne compte plus les biographies de Louis XVII, le roi-enfant, mort martyrisé dans la prison du Temple en 1795 à l’âge de dix ans. Il n’y a donc plus rien à apprendre.
Celle de Hélène Becquet se distingue néanmoins des autres car elle propose une biographie du petit roi que l’on pourrait qualifier de politique. Cela peut paraître curieux pour un enfant qui n’a en fait pas gouverné. Pourtant, l’étude montre qu’il fut dès le début de la Révolution un objet politique.
En effet, les députés constituants réfléchirent au statut de l’héritier du trône et surtout à son éducation de futur monarque constitutionnel. Ainsi cherchèrent-ils à imposer à son père un précepteur à leur goût et à prendre le contrôle de sa formation. Devenu enfant de la nation souveraine, le Dauphin reçut à son corps défendant les espoirs de défenseurs de la monarchie parlementaire, surtout après Varennes et le discrédit du roi son père. Toute une iconographie politique le représenta revêtu des symboles de la France nouvelle ou aux côtés de son père, ce qui rompait avec la tradition royale en la matière. Mais l’enfant, sans doute bien trop jeune pour comprendre la nature des événements qui conduisaient ses parents vers la déchéance, la prison et la mort, ne serait roi à partir du froid 21 janvier 1793 que pour les partisans de la monarchie, cachés ou en exil.
C’est là le principal apport de ce travail. Il nous permet en outre de saisir, à travers la personne et le destin tragique de cet enfant-roi, la nature des événements qui l’ont broyé. La volonté de l’Assemblée de l’éduquer donne une preuve supplémentaire du caractère totalitaire en germe dès la Constituante, comme une sorte de préfiguration douce du lavage de cerveau que le prince subira au Temple.
Fort heureusement Hélène Becquet ne s’inscrit pas dans les fables sur la possible survie de Louis XVII. Car ceux qui y souscrivent commettent une erreur d’analyse grave en ignorant la véritable nature des révolutionnaires. Jamais ils n’auraient laissé le petit roi sortir vivant de sa prison et ce, malgré les timides amorces de discussions diplomatiques avec les cours étrangères dont parle l’auteur, car il incarnait dans son corps la légitimité royale que les conventionnels avaient cherché à briser en tuant son père.
Le martyre des princes de sang royal (comme celui des Romanov en 1918) n’est pas une simple anecdote, une malheureuse nécessité dans le processus de libération de l’humanité, un drame personnel qui ne mérite pas que l’on s’y arrête plus que de raison. Il reflète au contraire, avec la dureté d’un miroir, la violence éradicatrice de la Révolution.
Le calvaire de cet enfant d’à peine dix ans, arraché à sa mère, rééduqué, insulté, abandonné, placé pratiquement au secret, rejoint avec la puissance d’un écho le supplice subi au même moment en Vendée par d’autres enfants massacrés par Westermann, Turreau et leurs acolytes parce qu’ils étaient eux aussi porteurs d’un monde à éradiquer.
frederic le moal
Hélène Becquet, Louis XVII, Perrin, mai 2017, 298 p. –20,90 €.
http://louisxvii.canalblog.com/
J’attends une réponse capitale des archives de la Défense de Brest et de Lorient.