Quand la poésie ensemence les cendres du réel et de l’art
En poésie, la ligne droite n’est pas forcément le plus sûr moyen d’aller d’un point à un autre. Fallait-il pour autant transformer, comme le fait Colette Prévost, ce qui aurait du être un poème en prose en poème versifié ? Le choix « versificatoire » enlève son épaisseur à l’écriture. Sa scansion ne se justifie pas et à l’inverse exfolie le propos. Ecrit à l’ombre des Stèles de Segalen pour clés, le texte est un hommage aux tableaux de Max Mitau. Colette Prévost rend plus qu’un hommage à une œuvre où le pigment crée « la fièvre » de panneaux « artériels » . Cette peinture peut sembler secondaire mais reste néanmoins le beau prétexte à une écriture qui non seulement donne au travail de Mitau un lustre particulier mais offre à la poésie dans le noir et le blanc un « rouge sang-dragon ».
Les textes (« L’atelier pan sud ouvert » par exemple) sont de parfaites vignettes à l’authentique puissance. Colette Prévost crée des vibrations sonores à travers son admiration pour la peinture de Mitan. Preuve que la poésie – telle que la concevait Rimbaud dans son appel au jeu sur le clavier des sens – ensemence les cendres du réel et de l’art.
Une alchimie se crée entre le sens cosmique de l’écriture et les voûtes aériennes et matérielles de la peinture. En son écorce et dans « le carré indifférent à tout », celle-ci crée un rituel repris par Colette Prévost pour un autre monde, ici-même, ici-bas. Elle dépasse le cogito cartésien et le sol où l’homme a coutume de vivre par manque d’ambition métaphysique.
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jean-paul gavard-perret
Colette Prévost, Rouge sang-dragon, Editions des Vanneaux, coll. L’Ombellie, Bordeaux, 2017, 80 p. — 15,00 €.