Un beau sujet mais aussi un manque certain de fluidité dans la forme
Deuxième volet de la trilogie “Mes disparitions”, après Kinopanorama, Yankee continue à traiter du sujet du communisme en France. Ce deuxième tome met en valeur certaines figures américaines ayant marqué l’histoire du communisme telles que John Reed, journaliste et militant socialiste du début du XXème siècle, Robert Oppenheimer, le père de la bombe atomique ou encore James Forrestal, secrétaire d’état à la Défense pendant la seconde guerre mondiale.
Il est à noter que le père de l’auteur, Jacques Chambaz, fut une figure marquante du parti communiste français dans les années 70. Il est décédé en 2004. Bernard Chambaz, romancier, historien et poète français enseignant actuellement l’Histoire au Lycée Louis-le-Grand à Paris. lui rend ici un hommage certain, empreint de beaucoup d’amour et d’admiration.
L’auteur a organisé son livre en 7 chapitres non chronologiques traitant chacun d’une période de sa vie ou de celle de sa famille. Dans le premier chapitre (1965–1969) on voit l’auteur lycéen à Paris, découvrant les filles, racontant ses vacances, émaillant son récit de témoignages du quotidien et de l’actualité politique. On passe sans transition à Octobre 1920 aux Etats Unis : Avec le recul, je m’étonne que ma grand-mère américaine n’ait pas été attirée par la personnalité de Reed. Il avait tout pour séduire la jeune fille de quinze ans qu’il croisa sur les quais de l’Hudson par un dimanche matin glacé et il avait tout pour séduire la vieille femme de soixante-dix ans qui ne faisait pas mystère de sa sympathie pour le monde des exploités qu’elle imaginait soulager par des chèques bancaires au Secours Populaire et pour les écrivains américains progressistes dont elle lisait les biographies avec une boulimie inquiétante.
J’avoue avoir eu un net intérêt à vouloir lire ce livre et avoir été ensuite plutôt déçue en le lisant. Je n’ai pas vraiment été autant captivée par la forme plutôt que par le fond de ce roman. Je dirais qu’il est difficile, en parcourant ces pages, de reprendre son souffle… on est emporté par une anecdote, une tranche de vie, fort bien racontée et palpitante, puis on est transporté vers une autre période, sans transition, avec d’autres personnages, sans introduction, puis encore une autre histoire encore sans transition encore…
Evidemment, si on revient en arrière, si l’on relit, si l’on établit des liaisons etc… tout cela se tient… oui. Mais cela ne m’a pas convaincue. C’est dommage car le sujet est pour le moins passionnant et l’auteur témoigne d’une plume fluide …quand il veut.
J’ai lutté pour terminer ce livre, j’ai combattu la partie noire de moi qui me soufflait d’abandonner, de laisser choir. Et je ne regrette pas, car, au fil des chapitres, je suis tombée sur de petites tranches de vie particulièrement savoureuses, des petites anecdotes charmantes, des témoignages instructifs voire étonnants. Ce jeune homme, fils d’un des dirigeant du parti communiste avec une grand mère américaine, témoin du Mac Cartysme, des défaites de plus en plus cuisantes du parti communiste en France, de la chute du mur de Berlin, etc. peine de fait à construire ses propres convictions et bâtir son histoire personnelle, nous raconte ses amours ses espoirs et ses désillusions.
Mon sentiment après avoir refermé Yankee est un peu de frustration : car, compte tenu de l’intérêt du sujet et du talent d’écriture de l’auteur, j’aurais définitivement préféré plus de fluidité dans la forme.
Isabelle Viry
Bernard Chambaz, Yankee, Editions du Panama, Août 2008, 251 p. — 20,00 €. |
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