Que faire de tant de pièces qui encombrent ?
A la recherche de la mythique langue mère
L’argument est l’histoire d’un ethnolinguiste qui pour conserver ses petits avantages et honneurs liés à son poste de chef de laboratoire au Musée de l’Homme et mis en danger par l’ouverture du Musée du quai Branly décide de tenter un « coup » pour être célèbre, incontournable et donc indétrônable.
L’auteur nous raconte donc comment cet éminent professeur va partir à la recherche de la mythique langue mère qui serait la langue unique dont découleraient toutes les langues parlées ou ayant été parlées sur terre. Sa quête de la langue mère en Afrique va se prolonger, de façon freudienne, en quête du père.
Le romancier commence par casser le temps, car cette histoire se situe dans la troisième décennie du troisième millénaire, et Chirac est toujours président, ce qui montrerait que le PS est descendu bien bas pour ne pas parvenir à battre un Chirac nonagénaire. Le héros part donc au Kenya pour profiter du désordre qui va être consécutif à l’invasion du pays par les USA afin de « subtiliser » une poterie gardée dans un musée de la capitale, poterie qui devrait lui permettre grâce à un « joujou » extraordinaire d’entendre la langue mère.
Ses aventures tiennent plus d’un film tel que La chèvre que d’ Indiana Jones. Une fois la poterie récupérée, il se lance à la recherche d’un père disparu il y a longtemps, et va vivre quelques semaines avec un des derniers peuples de chasseurs-cueilleurs encore, ce qui va donner lieu aux meilleures pages du livre.
Quand on remonte le temps, cela est comme lorsque l’on remonte ce qui sert à le mesurer, comme un réveil, il reste toujours des pièces dont on ne sait pas quoi faire et qui encombrent. Cela peut expliquer pourquoi intervient, tel le cheveu dans une soupe déjà indigeste, une évocation de Stanley à la recherche de Livingstone. Cela dit, ce livre a un énorme avantage : il est excellent pour mon ego, ainsi que ceux de beaucoup d’autres. En effet, la quatrième de couverture nous le présente comme un puits d’érudition ; si pour être érudit il suffit de savoir utiliser Wikipédia (dont certaines phrases du livre semblent être un « copier-coller »), ou de manipuler les mots de la langue d’un pays (je sais le faire pour les pays germanophones, anglophones et lusophones) plus une langue parlée par une minorité de ce pays (le wallon, ça compte ?), je me sens assez érudit !
Quand je parlais de l’ego d’autres, je pensais par exemple aux commentateurs sportifs qui, comme l’auteur, vont utiliser les mots Manschaft plutôt qu’équipe, seleçaõ plutôt que sélection, ou des m’as-tu-vu des métiers du spectacle, pardon, du show-business, qui vont dire sampling plutôt que échantillonnage. J’avoue que parler le swahili est plus chic que le portugais. Enfin, ne soyons entièrement négatifs : si par malheur, vous échouez après un naufrage et trouvez un coffre contenant une centaine livres, que vous avez déjà eu le temps d’en lire plusieurs fois 99 et qu’il ne vous reste plus que Le Serval Noir, lisez-le sans crainte, car vous aurez sans doute déjà connu expérience plus difficile.
Hervé Soufflet
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Marc Vassart, Le Serval Noir, Au Diable Vauvert, 2008, 468 p. — 20,00 euros. |
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