To be black or not to be black ?
L’histoire début en novembre 1954 lorsque Vincent débarque à Marseille, de retour de service en Indochine et réclame à un parrain de la pègre le soutien logistique nécessaire pour assassiner le commissaire Doroff. Ce dernier abattu le soir-même, Vincent “monte” sur Paris afin de revoir son frère Natale, propriétaire de plusieurs cabarets. Natale vient justement de signer l’achat d’une nouvelle boîte, “L’ange des maudits”, dont il souhaite confier la gestion à son frère quand un commando à la solde du rival Saint-Napi, le mitraille, tuant Vincent — Natale ne devant la vie qu’à un clochard (amateur de Shakespeare à ses heures perdues, sic) qui se jette devant lui pour faire écran aux balles qui pleuvent.
Le règlement de compte peut commencer, de même qu’une nouvelle guerre de gangs devant la police impuissante…
Dans la lignée des films de Jean-Pierre Melville (Le samuraï, Le cercle rouge…) ou des romans de Léo Malet (Nestor Burma) — des auteurs qu’on verra apparaître dans ces pages en tant que « seconds couteaux » -, Noël Simsolo propose avec le dessinateur Dominique Hé, son complice de Pornhollywood, un hommage en deux tomes aux polars noirs des années 50. On entend bien qu’il s’agit ici d’assumer un genre tombé légèrement en désuétude, en mettant en exergue le milieu de la pègre, de la prostitution et des cabarets, les règlements de compte à l’envi entre des gangsters dont certains ont le sens de l’honneur chevillé au corps, d’autres beaucoup moins…
Si le dessin de Hé remplit son office sans faille quand il s’agit de restituer le Paris des fifties un poil glauquissime et les automobiles rutilantes du bon vieux temps, il semble en revanche beaucoup moins efficace pour ciseler les physionomies : cette ligne claire sans grande inspiration peine à soutenir un scénario qui convoque déjà beaucoup de noms et de personnages de surface à la psychologie guère approfondie, les traits des protagoniste se distinguant peu et la palette chromatique paraissant fort éteinte (les scènes de cabaret en noir et blanc sont les moins réussies de ce point de vue).
Il en ressort un Paname des années 50 somme toute assez banal et stéréotypé au risque d’être confus, l’inventivité étant délibérément sacrifiée au profit (discutable) des sempiternels poncifs d’un genre trop codifié en cet album d’installation pour se donner comme stimulant.
frederic grolleau
Noël Simsolo & Dominique Hé, Les Miroirs du Crime – tome 1 : « Les Tueurs de Pigalle », Glénat, 26 avril 2017, 48 p. – 13,90 €.