L’objectif de Cornelia Eichhorn n’est pas de représenter mais de fournir un regard affûté. Celui-ci n’a pas besoin d’autre lieu que celui des corps et de leurs morceaux en diverses surfaces de réparation. Dans leurs espaces de l’espèce surgissent la drôlerie, la sensation de vertige et la douleur. Existent à la fois le génie du lieu et sa hantise là où les mises en espace optent sur la nudité des formes humaines et de leurs déformations.
L’œuvre garde à ce titre une vocation fabuleuse et une « vis comica ». Elle fait reculer le chant des certitudes et met une grâce dans les torsions de la chair. L’image se manifeste comme apparition mais indique quelque chose qui ne se manifeste pas. Il y a là un phénomène indiciaire aussi subtil qu’étrange et qui tient lieu de trouble. Il ne signifie pas simplement : il annonce quelque chose qui se manifeste par quelque chose qui n’est que suggéré.
La révulsion du simple effet de surface crée des émulsions. Elles deviennent l’interface agissante entre le sensible et le sens, le possible et l’impensable. L’œuvre est donc productrice de paradoxes. Le spectateur est confronté à ce qu’il est : du corps dans l’espace et de l’espace dans le corps. Cela souligne toujours le gigantesque engloutissement dans le temps.
Visages ou mains illustrent par effets de plans tourmentés combien ce temps passe à travers tout et sur nous au moment où l’enveloppe charnelle devient aussi étrangère que proche, tragique que dérisoire.
jean-paul gavard-perret
Cornelia Eichhorn, Pharmakon, du 2 au 18 juin 2017, Galerie Simple, Paris.