Habitué des voyages au bout du monde ou presque (Afrique entre autres), Joël Vernet propose ici un autre type de « longs» (écrit-il) voyages : « je suis allé au fond du jardin et j’ai revu le fleuve, les berges du fleuve, les arbres immenses, cet éclat soudain du rivage qui a surgi comme une image ancienne sortie d’un vieux tiroir ». Retour donc aux périples de l’enfance, phrases en bandoulière dans un vieux cartable qui sentait bon le cuir. Vernet ignorait encore tout des bergers peuls et des nomades aux corps vagabonds.
C’est près de la Loire qu’il a connu les premières attentes et le trouble de l’ailleurs. Le fleuve évoquait la force et la nonchalance nécessaires à la marche face à un monde nerveux et conquérant. L’auteur y fit ses études de sauvagerie, de calme et d’insolence faussement passive. Il y a appris l’approche de l’autre qu’il a poursuivie depuis l’insouciance de l’enfance comparable à celle des foules foraines «enthousiastes » ou « défaites » de leurs ardeurs.
L’auteur a su dans ses vies buissonnières mêler ses fatigues à la reconnaissance même de ce qui ne viendrait jamais. Sachant la vie brève, il la parcourt en chemin de traverse aux sols imparfaits. Et qu’importe la nature du ciel. Pour lui, le voyage ignore la météo, les lignes droites et les panneaux de signalisation. Des fleuves aux temples jusqu’aux bordels aux chambres défaites, tout est bon à vivre.
Plus le poète avance et plus son regard balaie les illusions. Tout est donné à la rencontre de l’inconnu : celui des pages dérobées au jadis, celui des rencontres offertes par les surprises du hasard.
jean-paul gavard-perret
Joël Vernet, La vie buissonnière, Illustrations originales de Jean-Gilles Badaire, Fata Moragana, Fontfroide le Haut, 2017.