Ce premier roman de Pete Dexter ne fournit certes pas matière à fouetter un chat, mais il vaut son pesant d’humanité…
- T’as le temps de prendre une bière ?
– J’aurais le temps d’évangéliser la Chine.
Pouvait-on rêver d’un meilleur motto, l’été des J.O. de Pékin ?
C’est plutôt rare de rire en littérature. God’s pocket vous offre ça. On ne se tient pas les côtes d’un bout à l’autre du roman, mais comme dans certains films des frères Coen, Fargo en particulier, on sourit franchement des péripéties des benêts qu’on nous présente. Et si le sourire se fige parfois pour s’émouvoir des malheurs d’un personnage, ce n’est jamais dramatique. Pathétique, mais pas dramatique. Les frères Coen on a dit, pas Ken Loach.
Le roman est construit de façon linéaire. Cinq chapitres, une demi-douzaine de personnages, une semaine. Un peu de polyphonie et des scènes un peu crues, voilà pour la modernité. Il ne raconte en définitive pas vraiment plus que l’agitation d’un quartier populaire de Philadelphie autour d’un fait divers. Et si le rythme et la langue constituent des qualités indéniables du récit, pour être tout à fait honnête, il n’y a pas non plus de quoi fouetter un chat.
Non, la réelle qualité du premier livre de Pete Dexter, traduit seulement aujourd’hui en France, réside dans son humanité.
Celle des petites gens qui forment la communauté intemporelle du Pocket tout d’abord. Pauvres, braves, pas vraiment fâchés avec l’ordre établi mais quand même obligés de temps à autre de trouver un arrangement avec la loi. Plus maladroits encore que malchanceux, ils restent liés les uns aux autres :
Tous ici, on s’est piqué des trucs entre nous. Ou quand on était gamins, on a foutu le feu à la baraque du voisin, ou on a pris la fuite au lieu de se battre. Et ceux qu’on a volés, on leur a prêté du fric ensuite. Tu es un homme intelligent, mais nous ici, on s’est tous vus à poil. On sait qui a peur de se battre, qui triche aux cartes, qui tape sur ses mômes. Et quoi qu’on fasse, on reste là, fidèles à ce qu’on est.
Celle de Pete Dexter surtout. À ce titre, le personnage de Richard Shellburn, le chroniqueur populaire et décadent, est peut-être le plus touchant.
On lit des drôles de trucs sur Pete Dexter en fouinant sur le net. Mais allez regarder après avoir lu God’s pocket (dont la quatrième de couverture révèle le caractère autobiographique).
Et savourez-en chaque gorgée.
g. menanteau
Pete Dexter, God’s pocket (traduit par Olivier Deparis), éditions de L’Olivier, mars 2008, 347 p. — 21,00 €. |
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