François Jouffa, Anthologie Twist français 1961–1962

Twist fran­co­phone ou com­ment perdre la boule à La Baule

Ceux qui sont les jeunes des années 10 ignorent com­bien le Twist libéra leurs parents et grands-parents en tant que dan­seurs impro­bables et approxi­ma­tifs. Le style musi­cal fut le pre­mier pour lequel la néces­sité d’un ou d’une par­te­naire devint super­fé­ta­toire. Cha­cun pou­vait se lais­ser aller à des contor­sions soli­taires et intem­pes­tives impro­bables. La musique l’était tout autant. A coup de reprises de stan­dards ou des créa­tions dou­teuses, les groupes ou chan­teurs fran­çais s’adonnèrent à des pres­ta­tions plus ou moins convain­cantes. Les Chaus­settes Noires offrirent un « Twist du Père Noël » puis celui du « Cano­tier » avec Mau­rice Che­va­lier. His­toire de “perdre la boule à La Baule” comme chan­taient Les Loups Garous.
Le seul tra­vail poé­tique se rédui­sait essen­tiel­le­ment de trou­ver des rimes ou leurs à-peu-près au mot « twist »… Mais le genre per­mit encore d’offrir des délires aux amu­seurs : Dario Moreno, Henri Sal­va­dor, Glenn Jack et les Glen­ners (Ah « Zizi la twis­teuse » !), Pierre Doris et Suzanne Gabriello com­mirent des extra­po­la­tions hasar­deuses et dépo­tantes. Cer­tains mor­ceaux res­tent des docu­ments d’inepties kitsch (avec les Pirates par exemple) mais Gains­bourg — accom­pa­gné ou non de Bri­gitte Bar­dot — y fit ses gammes (« Requiem pour un twister »).

Fran­çois Jouffa a le mérite de ne pas s’arrêter en un che­min hexa­go­nal, belge et hel­vé­tique. Le troi­sième CD per­met de décou­vrir le Twist du Qué­bec à bien plus forte conno­ta­tion poli­tique. S’y des­sinent les pre­miers signes des mou­ve­ments sépa­ra­tistes de la Belle Pro­vince. Les Lio­nels et Pierre, Michèle Richard, Lavis Bou­liane et ses Blues Stars et autres Jaguars ou Habits Jaunes ne par­vinrent pas à fran­chir l’Atlantique. Se découvre en consé­quence une antho­lo­gie super­so­nique à sa manière.
Preuve que la jeu­nesse d’hier fut sou­mise à des oeu­vrettes qui trou­ve­ront ici un par­fum de nos­tal­gie pour cer­tains et de sur­prises pour d’autres. La musique des 60’ n’avait rien d’intelligente (euphé­misme). Elle fut même sans doute plus indi­gente  (à l’exception de cer­tains artistes de Qué­bec) que ce qui est pro­po­sée aux ados du nou­veau mil­lé­naire. Mais loin de toute pré­ten­tion intel­lec­tuelle s’inscrivait de façon plus ou moins habile et effi­ciente le droit d’exister de manière libre et dégin­gan­dée. Un temps s’ouvrait. Serait-il en train de se refermer ?

jean-paul gavard-perret

Fran­çois Jouffa, Antho­lo­gie Twist fran­çais 1961–1962, Fré­meaux et Asso­ciés, 2017.

 

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