Philippe Thirault & Laura Zuccheri, Retour sur Belzagor : épisode 1/2

La déco­lo­ni­sa­tion dans l’espace…

Robert Sil­ver­berg est une icône parmi les auteurs de science-fiction. S’il n’a pas pro­duit que chefs-d’œuvre, il a fait paraître quelques joyaux dont Les Pro­fon­deurs de la Terre. C’est ce roman, paru en 1970 aux USA, qui est adapté par Phi­lippe Thi­rault en deux tomes sous le titre Retour sur Bel­za­gor.
Ce retour est celui d’Edmund Gun­der­sen qui revient sur les lieux où il débar­qua, il y a dix-huit ans, comme jeune et frin­gant lieu­te­nant. À l’époque, la colo­ni­sa­tion bat­tait son plein sur cette pla­nète qui por­tait le nom de La Terre de Hul­man. Il est affecté, mal­gré son jeune âge, auprès de Kurtz le Cin­glé à un poste où l’essentiel de l’activité consiste à récu­pé­rer le venin de nag­giars, de mons­trueux ser­pents, qui pos­sède des pro­prié­tés éton­nantes et pour lequel des nan­tis ter­restres paient des fortunes.

Il revient, huit ans plus tard, comme guide de Sam et Doro­thy Win­gate, un couple d’exobiologistes, qui veulent suivre une céré­mo­nie de la Renais­sance, un rituel dont les humains sont tota­le­ment exclus. Dès son arri­vée, il est accueilli par un : “Bon­jour Mon­sieur le Direc­teur” de la part d’un homme qui se pré­sente comme guide tou­ris­tique et qui s’étonne que Gun­der­sen soit revenu après… Celui-ci élude les ques­tions que ne manque pas de for­mu­ler Doro­thy. Mais celle-ci n’est pas au bout de ses sur­prises car le par­cours ancien et le périple nou­veau de leur guide réservent bien des sur­prises et pas que des bonnes.
Robert Sil­ver­berg appuie son roman sur le cou­rant de repen­tir qui s’est fait jour dans les socié­tés colo­nia­listes après l’abandon, plus ou moins contraint, de leur joug sur les pays colo­ni­sés. Il déporte dans le temps et dans l’espace les pro­blèmes liés à la prise de pou­voir, à la main­mise sur les richesses de toutes natures sur des zones entières par des Etats impé­ria­listes. Il évoque la recon­nais­sance tar­dive des popu­la­tions locales comme des par­te­naires à l’intelligence aussi déve­lop­pée que celle des colo­ni­sa­teurs et leurs inci­dences tant sociales qu’humaines.

Le récit de Phi­lippe Thi­rault prend tou­te­fois cer­taines liber­tés par rap­port au roman pour satis­faire aux exi­gences de le BD, celle-ci offrant au-delà du texte une mise en images qui oriente et cana­lise obli­ga­toi­re­ment l’imagination, la repré­sen­ta­tion men­tale du lec­teur. De plus, l’œuvre ori­gi­nale est très lit­té­raire et le scé­na­riste doit insé­rer de l’action, des péri­pé­ties visuelles. Il a choisi d’ajouter des per­son­nages, de modi­fier des rebon­dis­se­ments, d’aller vers une conclu­sion plus large que celle rete­nue par Sil­ver­berg. Par de nom­breux fla­sh­backs, le scé­na­riste fait entrer dans une his­toire et un par­cours com­plexes qui asso­cient une évo­lu­tion pro­fes­sion­nelle ambi­tieuse et les à-côtés de toute exis­tence comme la recherche de l’amour.
Il y a éga­le­ment une inter­ro­ga­tion sur les actions que le héros a pu com­mettre pour être expulsé. Les moti­va­tions de son retour res­tent encore dans l’ombre. Le récit est mené avec rythme et l’intrigue dévoile peu à peu sa richesse. Bien sûr, le thème de la déco­lo­ni­sa­tion est uni­ver­sel pour les grands pays euro­péens et cha­cun peut l’adapter à ses convic­tions, à son éven­tuel vécu.

Le gra­phisme se par­tage entre Laura Zuc­cheri qui se concentre davan­tage sur le des­sin et Sil­via Fabris à qui elle a délé­gué la mise en cou­leurs. Pour la concep­tion des décors, bâti­ments, engins de trans­port elle a choisi la fonc­tion­na­lité, des élé­ments consti­tu­tifs pou­vant être ache­mi­nés par vais­seaux spa­tiaux. Le choix des deux espèces domi­nantes que sont les Nil­do­ror et les Suli­do­ror a néces­sité une recherche appro­fon­die pour satis­faire aux exi­gences du roman ini­tial et à l’évolution du récit adapté. Il en résulte avec des teintes appro­priées un gra­phisme d’une grande cohé­rence et d’une réelle beauté.
Ce pre­mier album est très attrac­tif par son his­toire à deux niveaux, space opera et trai­te­ment socio­lo­gique et humain, et une intrigue à plu­sieurs détentes.

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serge per­raud

Phi­lippe Thi­rault (scé­na­rio – adap­ta­tion d’un roman de Robert Sil­ver­berg), Laura Zuc­cheri (des­sin) & Sil­via Fabris (cou­leurs), Retour sur Bel­ze­gor : Epi­sode ½, Les Huma­noïdes Asso­ciés, avril 2017, 56 p. – 14,20 €.

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