Quand les perspectives défont les cohérences statiques
Juan d’Oultremont avec Alicia crée une expérience particulière de la bande dessinée à travers des pictogrammes découpés dans les manuels de photographie amateur. L’abstraction graphique se charge d’une épaisseur particulière en une sorte de thriller psychologique voire métaphysique. Alicia y demeure une énigme fantomâle qui vampe un jeune homme a priori équilibré et promis — par son père — à une brillante carrière dans le difficile secteur de l’outillage avant le déluge Alicia.
D’une telle relation au temps segmenté, le narrateur garde le souvenir d’un secret qui se dévoile lentement à mesure que la véritable personnalité de la femme se dessine. Sulfureuse et séraphique cette ex-miss Chypre n’est pas celle qu’on croit. Chez Juan d’Oultremont les perspectives sont volontairement provisoires et défont les cohérences statiques. Il s’agit d’ouvrir dans sa profondeur un royaume à reconquérir moins par nostalgie que dans une sorte de dérive d’où peut — qui sait ? — apparaître ou jaillir Alicia en Morgane…
La question de la possession des images concerne des degrés de réalité moins qu’une prise carnassière.
jean-paul gavard-perret
Juan d’Oultremont, Alicia, éditions du Caïd, 2017.