Un bon spectacle en son genre, très contestable en lui-même.
Cela commence par une projection en fond de scène de symboles majeurs de l’histoire de l’Allemagne : nazisme, communisme, anarchisme. Des images, des graffitis à vocation didactique sont ponctués d’une musique démonstrative, imposant une ambiance grand spectacle. Le propos se veut d’emblée pédagogique : une voix off rafraîchit les mémoires sur les ambitions du chancelier, son destin historique et la fameuse Ostpolitik qu’il a mise en œuvre. Les grands personnages de la vie politique allemande du début des années 1970 sont présentés à grands traits ; la trame est narrative, elle procède d’un éclairage à la loupe de la vie quotidienne à la Chancellerie de Bonn, qui se tisse au fil d’une affaire d’espionnage, laquelle, comme on sait, fera tomber Willy Brandt.
La politique est vue ici sous l’angle d’une personnalisation caricaturale. Il en résulte une simplification outrancière des enjeux sociaux et géostratégiques, au profit d’une présentation plaisante, psychologisante, des rapports humains individualisés. Les dialogues se font donc volontiers anecdotiques, sinon même grivois. Le propos est dynamique, il retient l’attention du spectateur sans jamais l’inquiéter ni la solliciter. L’ensemble reste démonstratif et peu nuancé. L’avantage de cette réduction de la politique à la vie politicienne est de donner une épaisseur chaleureuse à chacun des protagonistes. Les acteurs campent bien leur personnage, qu’ils rendent chacun à sa manière attachant. L’inconvénient est de faire fi de tous les enjeux, de s’en tenir aux apparences et à une représentation fantasmée, trompeuse. Un bon spectacle en son genre, très contestable en lui-même.
Christophe Giolito
Michael Frayn, Démocratie
version française Dominique Hollier — mise en scène Jean-Claude Idée
Avec :
Jean-Pierre Bouvier (Willy Brandt) ; Xavier Campion (Ulrich Bauhaus) ; Emmanuel Dechartre (Helmut Schmidt) ; Alain Eloy (Günter Guillaume) ; Jean-François Guilliet (Herbert Wehner) ; Frédéric Lepers (Horst Ehmke) ; Frédéric Nyssen (Reinhard Wilke); Freddy Sicx (Arno Kretschmann) ; François Sikivie (Günter Nollau) ; Alexandre von Sivers (Hans-Dietrich Genscher).
Au Théâtre 14 Jean-Marie Serreau, 20 Avenue Marc Sangnier, 75014 Paris
Réservations 01 45 45 49 77
Du 11 septembre au 27 octobre 2012
les mardi, vendredi et samedi à 20 h 30 – mercredi et jeudi à 19 h
matinée samedi 16 h – relâche : dimanche et lundi
Production de l’Atelier Théâtre Jean Vilar en co-réalisation avec le Théâtre 14
avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International
Démocratie a été créée au théâtre Aula Magna de Louvain-la-Neuve (Belgique) en février 2012
Le texte de la pièce est publié aux éditions Actes Sud en 2007.