Une nouvelle fois, Jean-Pierre Chambon ajoute sa contribution au monde pessinois — civilisation inventée par Marc Pessin son Dieu le Père. Le poète a ouvert bien des épisodes à celle qui règne sur ce monde : la reine Zélia (ci-contre dessinée par Nicole Pessin) déjà évoquée dans Des lecteurs (Harpo &, 2016) et Zélia (Éditions Al Manar, 2016). La souveraine du monde perdu dont il reste quelques traces habilement disséminées par Pessin réapparaît aujourd’hui à travers sa bibliothèque pleine de manuscrits perdus, ignorés et réapparus sous le titre global de « Trois rois ». Dans la 24ème mouture du répertoire, ils sont griffés d’une mention énigmatique « Manu Dat. Mars ».
La question du lieu de création (Marseille ?) comme la datation reste un mystère. Le règne de la reine demeure insoluble. Si bien que le mystère pessinois s’épaissit au grand ravissement du Père qui a dessiné (ou recopié ?) le sceau de Zélia. Les quatre caractères héraldiques placés sous le profil correspondent au nom de Zélia, si bien que le mot de gauche est peut-être « Regina » et celui de droite « Pessinus ». Mais le doute subsiste… La langue pessinoise demeure des plus alambiquées : sa graphie comporte des idéogrammes. Seuls les paléographes ou cryptographes pourraient — peut-être — la décrypter
Qu’importe : la légende suit son cours. On sait qu’il existe ça et là enterrées dans la terre des forêts de Chartreuse et d’ailleurs des pièces marquées de sceau de la souveraine du pays pessinois. Tout est noté, répertorié par le créateur mais, nous, nous n’en savons rien. D’où le réseau d’hypothèses que la bibliothèque n’élucide pas. Bien au contraire. Et il est tout compte fait rassurant qu’une telle civilisation vive sous nos pieds. N’en deviendrions-nous pas les trolls ? Toujours est-il que Zélia reste une hantise. Sachons éprouver les vestiges d’un monde pas encore vraiment sauvé de l’oubli. Il faut donc continuer à la chercher sans compter sur des indiscrétions de Marc Pessin.
La bibliothèque de sa Reine lui accorde un espace qui tient lieu d’abîme. Mais demeurons ses lecteurs au milieu du philosophe, du cordonnier, du marmiton, du maître cuisinier, du panégyriste, de la dame de compagnie, de la géomancienne, de l’herboriste, de la coiffeuse et autres femmes et hommes de mains sans compter trois rois, la déesse Issabisbissa et la devineresse Assia. Bref, le monde mythique suit son cours. Chaque fois, de nouveaux indices sont proposés. Mais au lieu d’éclaircir le mystère, ils l’épaississent. Les registres, conçus normalement, pour garder mémoire, éloignent de la clé (si clé il y a) plus qu’ils n’en rapprochent. Qu’importe : les chiens aboient et la caravane de Zélia passe. Sans savoir où, ni comment. D’autant que le scribe Chambon ne nous en dit pas plus que le Créateur. Tout lui parle mais en même temps ne lui dit rien. Que demander de plus ?
jean-paul gavard-perret
Marc Pessin & Jean-Pierre Chambon, « La bibliothèque Pessinoise de la reine Zélia », Atelier de Marc Pessin, Saint Laurent du Pont, du 14 mai au 29 octobre 2017.
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