Généralement, les outils sont des compagnons pour traverser la vie et avoir une certaine préhension sur elle. Quittant son minimalisme original, Anthony Caro en efface le temps d’usage. Ici, il semble d’une certaine manière que rien n’a jamais commencé même si ce que l’artiste rassemble a connu les avanies de l’usure et de la rouille. Dans leurs assemblages, les objets racontent une autre histoire d’une manière froide, neutre mais savante. Reste l’autrefois de toujours qui n’a jamais cessé mais au nom de quoi il s’agit de tirer chaque chose de ces vieilles affaires en la mettant « à » et sur table pour qu’elles parlent autrement.
Demeurent des strates de latence venues de partout et de nulle part. Il suffit d’errer là où l’objet a laissé des plumes. Plaques, arêtes, fentes et intervalles participent à la construction d’un vaste réseau graphique. Il s’attache à une réelle prise en compte de l’espace et repense les valeurs de pesanteur et d’apesanteur. L’œuvre de Caro peut ainsi s’assimiler à une proposition « architecturale » et abstraite aussi ailée qu’excessivement matérielle, dense, volontairement massive et lourde.
Se comprend mieux comment depuis longtemps l’artiste pousse sa réflexion sur les champs de l’abstraction au sein d’une quête farouche du postmodernisme le plus conséquent.
jean-paul gavard-perret
Anthony Caro, Table Pieces and Late Sculptures, Galerie Templon, Bruxelles, du 1er juin au 22 juillet 2017.