Sound lavis et partitions graphiques
Né en ex-Union Soviétique mais émigré très vite à New York, Eugène Ostashevsky vit à Berlin et enseigne à Paris. Il écrit en anglais une poésie aussi philosophique que ludique dans un esprit Dada et underground. Son Pirate fiancé à un Perroquet est autant une parodie de Peter Pan que de Bonnie and Clyde. La psychologie des deux protagonistes est fantaisiste et les hypothèses sur leurs postulations douteuses. Preuve que soudain la poésie est le moins abstrait des arts. Et les dessins de Jean-Marie Scanreigh finissent cette métamorphose.
Lorsque le Perroquet crotte sur le pirate, celui-ci ne lui rend pas la pareille. Sans doute parce que l’oiseau est érudit. Mais jusqu’à un certain point : il lit de la philosophie, chante en allemand mais est incapable d’interpréter le Yesterday des Beatles. Ce qui néanmoins ne l’empêche pas d’être un as en spéculation. Partitions et montages proposent divers types d’interactions entre espace, son, rythme afin de visualiser la musicalité du texte. Tout tient d’une partition iconoclaste. Tout perle, s’épluche et virevolte en divers types de progressions.
Il y a là du faux kitsch et un vrai postmoderniste. La poésie laisse à la photographie sa faculté de représenter et au cinéma sa capacité narrative. L’auteur opère par mouvements au sein de la fixité. Il semble créer à l’instinct et au plus pressé. Mais il ne faut pas s’y tromper. Son approche est aussi rapide que lente et toujours sur le fil du rasoir. Son geste de prise n’approche rien d’établi.
jean-paul gavard-perret
Eugène Ostashevsky, Le Pirate Qui Ne Connaît Pas la Valeur de Pi, traduit de l’angalais (U.S.) par Sophie Schulze, Atelier de l’agneau, coll. Bilingue, 2017, 68 p. — 14,00 €.