Aigrefin, héros, aventureux, rigide et dégingandé, Hans Bringolf a recomposé son existence dans une autobiographie qui avance à la vitesse du cavalier qu’il fut. L’auteur est le type du héros contemporain : il n’est pas gêné aux entournures par les componctions d’une certaine morale ou d’une morale certaine. Bien des seuils d‘accès à l’altérité sont présents dans sa vie qu’il retrace viscéralement à travers l’écriture. Elle va droit devant pour secouer le lecteur.
Cendrars s’y n’est pas trompé. Il choisit ce texte pour lancer sa collection des « têtes brûlées ». Et il ne pouvait pas mieux tomber. Faussaire à ses heures, l’auteur ignore la peur. A mi-chemin entre le texte narratif et la matière d’un panégyrique de rêve, ce texte montre bien l’écart qui perdure entre le héros et le monde ainsi que la sorte de culpabilité constante qui en découle.
On ne reviendra pas ici sur la propre histoire de l’auteur mais il n’en demeure pas moins que tout l’imaginaire de l’auteur — ou du moins une grande partie — tourne autour de cette quadrature d’un cercle à la fois vicié mais moteur de l’oeuvre. Cet écart d’ailleurs a joué en faveur de la modernité de l’œuvre . Son style à la fois tendu et bref est toujours en apparente connexion avec le réel le plus simple, le plus ordinaire comme le plus extraordinaire.
jean-paul gavard-perret
Hans Bringolf, Feu le lieutenant Bringolf, La Table Ronde, 2017, 444 p. — 10,20 €.