Alain Fleischer, La résistance du paysage

Je et les autres

Le livre d’Alain Flei­scher est une grâce. L’homme y marche dans l’histoire et le pay­sage, y marche avec une cer­taine idée de l’autobiographie en inven­tant au besoin des his­toires pour rejoindre le bord du pay­sage qui par défi­ni­tion ne se rejoint jamais. Dans une habile construc­tion d’abord en divers pans, ceux-ci finissent par se mixer au sein de trois der­niers frag­ments. En cette stra­té­gie, Flei­scher crée ce qu’un per­son­nage réel invente et ce qu’un per­son­nage infil­tré dans l’histoire évoque. Le tout sans menace, attente, mais curio­sité sûre­ment afin de savoir où cela mène.
Le pur scrip­teur — sus­pect à lui-même — ignore non seule­ment qui mais si il est. Le tout avec humour. D’où le plai­sir du texte. La men­ta­li­sa­tion du dis­cours est en quête d’une his­toire qui vient et n’arrive pas là où pour­tant un « ça » gratte car : « on a beau s’en défendre on ne résiste pas tou­jours aux har­cè­le­ments de l’autobiographie ».

Dans ce cas — et contrai­re­ment à ce qui s’en dit sou­vent — « on »est tout sauf un con. Il n’est pas de ces jour­na­listes qui lorsque Claude Simon reçu son prix Nobel écri­virent qu’il fut accordé — comme Flei­scher le rap­pelle — « à un viti­cul­teur du Sud-ouest »… Ici le pay­sage résiste au milieu des ruines de la for­te­resse de Salses et pas seule­ment. Car il existe aussi des êtres qui apprennent à résis­ter : Simon en est la preuve mais Flei­scher tout autant. Rebelle à tout effet, il « s’adapte » au réel et à l’être comme à la fic­tion pour mieux les arra­cher aux fourches d’une cer­taine méta­phy­sique dont Hei­deg­ger fuit le triste per­ro­quet.
Flei­scher ne traite pas l’être comme un écu­reuil en cage. Le tout selon un « mon­tage » qui fait com­prendre le contraire de ce qui semble s’affirmer et où l’être dis­pa­raît. Dans ce but, il sort le concept comme le pay­sage de leur auto­no­mie et de la limite de la fic­tion comme de l’autobiographie. Le livre devient une pléiade de nar­ra­tions. Elles per­mettent de tra­ver­ser l’histoire et la géo­gra­phie. Et l’auteur reste un des rares créa­teur à démon­ter le dis­cours tota­li­taire de l’Histoire et des his­toires, ce non seule­ment par l’intelligence et l’affect mais par le « change » (Faye) de l’écriture.

jean-paul gavard-perret

Alain Flei­scher,  La résis­tance du pay­sage, Edi­tons Voix, Richard Meier, Elne, 2017, 70 p. — 10,000 €.

1 Comment

Filed under Chapeau bas, Inclassables

One Response to Alain Fleischer, La résistance du paysage

  1. Meier

    Une belle brèche ouverte dans les marches du pay­sage. Je redis — n’arrête plus — merci Jean-Paul.

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